Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/443

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dessus du besoin est sans motif pour étudier et pour s’instruire.

L’auteur vivait dans une contrée telle qu’il la désigne, il était au-dessus du besoin, ou il s’est instruit sans motif, ou il y a encore des motifs de s’instruire.

Ibid. — Trop paresseux pour aller au-devant du plaisir, il voudrait que le plaisir vînt au-devant de lui.

Les exemples de ces paresseux-là ne sont pas communs. L’auteur applique à une classe nombreuse d’hommes ce qui ne convient qu’à un Français apoplectique et stupide. Les autres me paraissent poursuivre l’amusement et les plaisirs avec la même fureur qu’ils fuient l’ennui. L’atteignent-ils toujours ? Ce n’est pas ce dont il s’agit.

Ibid. — On n’échappe à l’ennui qu’avec des chevaux, des chiens, des équipages, des concerts, des musiciens, des peintres, dis statuaires, des fêtes et des spectacles.

Eh bien, l’on a tout cela, et l’on se ruine.

Ou je connais mal les hommes, ou tout cela (page 199) me semble outré. J’ai souvent entendu parler de malheureux qui se sont tués, jamais de riches qui aient terminé leur ennui par ce moyen si sûr et si court.


CHAPITRES VII ET VIII[1].


Page 200. — Ce n’est pas toujours l’habitude qui ôte à l’aube d’un beau jour sa fraîcheur, au lever du soleil son éclat, au chant du coq, au murmure des eaux, au bêlement du troupeau leurs sensations agréables ; c’est que l’âme du possesseur de ces biens est malade ; c’est que, travaillé de mille passions folles, il arrive à sa campagne comme le diable de Milton dans le jardin d’Éden. Trouvez, si vous le pouvez, l’ellébore qui purge son cerveau dérangé, et vous restituerez au spectacle de la nature des charmes dont il ne se lassera point. Tous fatigués des frivoles amusements de la ville, s’écrient avec Horace : O rus ! quando te aspiciam ? ô ma terre ! ô mes champs ! ô mon parc ! quand te reverrai-je ? tous les revoient et tous y périssent

  1. Ces chapitres traitent de l’ennui et des moyens inventés par les oisifs contre l’ennui.