Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/50

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moyens qui ne se suggèrent pas. Mais si l’on n’apprend point comment il faut chercher, c’est quelque chose, du moins, que de savoir ce qu’on cherche. Au reste, ceux qui seront forcés de s’avouer à eux-mêmes leur stérilité, soit par une impossibilité bien éprouvée de rien découvrir, soit par une envie secrète qu’ils porteront aux découvertes des autres, le chagrin involontaire qu’ils en ressentiront, et les petites manœuvres qu’ils mettraient volontiers en usage pour en partager l’honneur, ceux-là feront bien d’abandonner une science qu’ils cultivent sans avantage pour elle, et sans gloire pour eux.


XLII.


Quand on a formé dans sa tête un de ces systèmes qui demandent à être vérifiés par l’expérience, il ne faut ni s’y attacher opiniâtrement, ni l’abandonner avec légèreté. On pense quelquefois de ses conjectures qu’elles sont fausses, quand on n’a pas pris les mesures convenables pour les trouver vraies. L’opiniâtreté a même ici moins d’inconvénient que l’excès opposé. À force de multiplier les essais, si l’on ne rencontre pas ce que l’on cherche, il peut arriver qu’on rencontre mieux. Jamais le temps qu’on emploie à interroger la nature n’est entièrement perdu. Il faut mesurer sa constance sur le degré de l’analogie. Les idées absolument bizarres ne méritent qu’un premier essai. Il faut accorder quelque chose de plus à celles qui ont de la vraisemblance, et ne renoncer, que quand on est épuisé, à celles qui promettent une découverte importante. Il semble qu’on n’ait guère besoin de préceptes là-dessus. On s’attache naturellement aux recherches à proportion de l’intérêt qu’on y prend.


XLIII.


Comme les systèmes dont il s’agit ne sont appuyés que sur des idées vagues, des soupçons légers, des analogies trompeuses : et même, puisqu’il faut le dire, sur des chimères que l’esprit échauffé prend facilement pour des vues, il n’en faut abandonner aucun, sans auparavant l’avoir fait passer par l’épreuve de l’inversion. En philosophie purement rationnelle, la vérité est assez