Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/530

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LA MARÉCHALE.

Mais ce monde-ci, qui est-ce qui l’a fait ?

CRUDELI.

Je vous le demande.

LA MARÉCHALE.

C’est Dieu.

CRUDELI.

Et qu’est-ce que Dieu ?

LA MARÉCHALE.

Un esprit.

CRUDELI.

Si un esprit fait de la matière, pourquoi de la matière ne ferait-elle pas un esprit ?

LA MARÉCHALE.

Et pourquoi le ferait-elle ?

CRUDELI.

C’est que je lui en vois faire tous les jours. Croyez-vous que les bêtes aient des âmes ?

LA MARÉCHALE.

Certainement, je le crois.

CRUDELI.

Et pourriez-vous me dire ce que devient, par exemple, l’âme du serpent du Pérou, pendant qu’il se dessèche, suspendu dans une cheminée, et exposé à la fumée un ou deux ans de suite ?

LA MARÉCHALE.

Qu’elle devienne ce qu’elle voudra, qu’est-ce que cela me fait ?

CRUDELI.

C’est que madame la maréchale ne sait pas que ce serpent enfumé, desséché, ressuscite et renaît.

LA MARÉCHALE.

Je n’en crois rien.

CRUDELI.

C’est pourtant un habile homme, c’est Bouguer[1] qui l’assure.

LA MARÉCHALE.

Votre habile homme en a menti.

  1. L’un des compagnons de La Condamine dans son voyage au Pérou ; inventeur de l’héliomètre.