Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous imaginer le feu en repos ? Tout, dans la nature, a son action diverse, comme cet amas de molécules que vous appelez le feu. Dans cet amas que vous appelez feu, chaque molécule a sa nature, son action.

Voici la vraie différence du repos et du mouvement ; c’est que le repos absolu est un concept abstrait qui n’existe point en nature, et que le mouvement est une qualité aussi réelle que la longueur, la largeur et la profondeur. Que m’importe ce qui se passe dans votre tête ? Que m’importe que vous regardiez la matière comme homogène ou comme hétérogène ? Que m’importe que, faisant abstraction de ses qualités, et ne considérant que son existence, vous la voyiez en repos ? Que m’importe qu’en conséquence vous cherchiez une cause qui la meuve ? Vous ferez de la géométrie et de la métaphysique tant qu’il vous plaira ; mais moi, qui suis physicien et chimiste ; qui prends les corps dans la nature, et non dans ma tête ; je les vois existants, divers, revêtus de propriétés et d’actions, et s’agitant dans l’univers comme dans le laboratoire, où une étincelle ne se trouve point à côté de trois molécules combinées de salpêtre, de charbon et de soufre, sans qu’il s’ensuive une explosion nécessaire.

La pesanteur n’est point une tendance au repos ; c’est une tendance au mouvement local. Pour que la matière soit mue, dit-on encore, il faut une action, une force ; oui, ou extérieure à la molécule, ou inhérente, essentielle, intime à la molécule, et constituant sa nature de molécule ignée, aqueuse, nitreuse, alkaline, sulfureuse : quelle que soit cette nature, il s’ensuit force, action d’elle hors d’elle, action des autres molécules sur elle.

La force, qui agit sur la molécule, s’épuise ; la force intime de la molécule ne s’épuise point. Elle est immuable, éternelle. Ces deux forces peuvent produire deux sortes de nisus ; la première, un nisus qui cesse ; la seconde, un nisus qui ne cesse jamais. Donc il est absurde de dire que la matière a une opposition réelle au mouvement.

La quantité de force est constante dans la nature ; mais la somme des nisus et la somme des translations sont variables. Plus