Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/318

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« Je me chagrinais à périr de ce genre de vie lorsque Amisadar s’avisa de nous en tirer.

« Ah ! vous voilà, mon pauvre Amisadar ; vraiment j’en suis charmée. Vous me venez fort à propos.

« — Et qui vous savait à Banza ?… lui répondit Amisadar. »

« — Oh ! pour cela, personne : ni toi ni d’autres ne l’imagineront jamais. Tu ne devines donc pas ce qui m’a réduite ici ?

« — Non ; au vrai, je n’y entends rien.

« — Rien du tout ?

« — Non, rien.

« — Eh bien ! apprends, mon cher, que je voulais me convertir.

« — Vous convertir ?

« — Eh ! oui.

« — Regardez-moi un peu ; mais vous êtes aussi charmante que jamais et je ne vois rien là qui tourne à la conversion. C’est une plaisanterie.

« — Non, ma foi, c’est tout de bon. J’ai résolu de renoncer au monde ; il m’ennuie.

« — C’est une fantaisie qui vous passera. Que je meure si vous êtes jamais dévote.

« — Je le serai, te dis-je ; les hommes n’ont plus de bonne foi.

« — Est-ce que Mazul vous aurait manqué ?

« — Non ; il y a un siècle que je ne le vois plus.

« — C’est donc Zupholo ?

« — Encore moins ; j’ai cessé de le voir, je ne sais comment, sans y penser.

« — Ah ! j’y suis ; c’est le jeune Imola ?

« — Bon ! est-ce qu’on garde ces colifichets-là ?

« — Qu’est-ce donc ?

« — Je ne sais ; j’en veux à toute la terre.

« — Ah ! madame, vous n’avez pas raison ; et cette terre, à qui vous en voulez, vous fournirait encore de quoi réparer vos pertes.

« — Amisadar, en vérité, tu crois donc qu’il y a encore de bonnes âmes échappées à la corruption du siècle, et qui savent aimer ?

« — Comment, aimer ! Est-ce que vous donneriez dans ces misères-là ? Vous voulez être aimée, vous ?