Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/398

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qu’on lui tordait le cou, qu’on le plumait, et il en poussa des cris qui réveillèrent Lively ; car le panier était placé sur sa table de nuit, et elle avait le sommeil léger. Elle sonna ; ses femmes arrivèrent ; on tira l’oiseau de son dortoir. La princesse jugea, au trémoussement de ses ailes, qu’il avait eu de la frayeur. Elle le prit sur son sein, le baisa, et se mit en devoir de le rassurer par les caresses les plus tendres et les plus jolis noms. L’oiseau se tint sur la poitrine de la princesse, malgré l’envie qui le pressait.

la sultane.

Il avait déjà le caractère des vrais amants.

le second émir.

Il était timide et embarrassé de sa personne : il se contenta d’étendre ses ailes, d’en couvrir et presser une fort jolie gorge.

la sultane.

Quoi ! il ne hasarda pas d’approcher son bec des lèvres de Lively ?

le second émir.

Cette témérité lui réussit. — « Mais comment donc ! s’écria la princesse ; il est entreprenant !… » Cependant l’oiseau usait du privilège de son espèce, et la pigeonnait avec ardeur, au grand étonnement de ses femmes qui s’en tenaient les côtés. Cette image de la volupté fit soupirer Lively : l’héritier de l’empire du Japon devait être incessamment son époux ; Kinkinka en avait parlé ; on attendait de jour en jour les ambassadeurs qui devaient en faire la demande, et qui ne venaient point. On apprit enfin que le prince Génistan, ce qui signifie dans la langue du pays le prince Esprit, avait disparu sans qu’on sût ni pourquoi ni comment ; et la triste Lively en fut réduite à verser quelques larmes, et à souhaiter qu’il se retrouvât.

Tandis qu’elle se consolait avec l’oiseau blanc, faute de mieux, l’empereur du Japon, à qui l’éclipse de son fils avait tourné la tête, faisait arracher la moustache à son gouverneur, et ordonnait des perquisitions ; mais il était arrêté que de longtemps Génistan ne reparaîtrait au Japon : s’il employait bien son temps dans les lieux de sa retraite, l’oiseau blanc ne perdait pas le sien auprès de la princesse ; il obtenait tous les jours de nouvelles caresses : on pressait le moment de l’entendre chanter, car on avait conçu la plus haute opinion de son ramage ; l’oiseau