Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/448

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ses qualités que vous lui faites des enfants régulièrement tous les neuf mois.

— Non, lui répliquait Génistan ; mais c’est pour la tranquillité de l’État. Vous ne conduisez rien à terme ; il faut bien que Polychresta répare vos fautes ou les miennes. »

À ces propos, Lively éclatait de rire, et se mettait à contrefaire Polychresta. Elle demandait à Génistan quel air elle avait quand on la caressait. « Ah ! prince, ajoutait-elle, ou je n’y entends rien, ou votre grave statue doit être une fort sotte jouissance.

— Encore un coup, lui répliquait le prince, je vous dis que je ne songe avec elle qu’au bien de l’État.

— Et avec moi, reprenait Lively, à quoi songez-vous ?…

— À vous-même et à mes plaisirs. »

À ces questions elle en ajoutait de plus embarrassantes. Le prince y satisfaisait de son mieux ; mais un moyen de s’en tirer, qui lui réussissait toujours, c’était de lui proposer de nouveaux plaisirs. On le prenait au mot ; et les querelles finissaient. Elle avait des talents qu’elle avait acquis presque sans étude. Elle apprenait avec une grande facilité ; mais elle ne retenait presque rien. Il faut avouer que si les femmes aimables sont rares, elles sont aussi bien difficiles à captiver. La légèreté était la seule chose qu’on pût reprocher à Lively. Le prince en devint jaloux, et la pria de fermer son appartement.

la sultane.

La gêner, c’était travailler sûrement à lui déplaire.

le premier émir.

Aussi ai-je lu, dans des mémoires secrets, qu’un frère très-aimable de Génistan négligeait les défenses de l’empereur, trompait la vigilance des eunuques, se glissait chez Lively, et se chargeait d’égayer sa retraite. Il fallait qu’il en fût éperdument amoureux ; car il ne risquait rien moins que la vie dans ce commerce, qu’heureusement pour lui le prince ignora.

la sultane.

Tant qu’il fut aimé.

le premier émir.

Il est vrai que, quand elle ne s’en soucia plus…

la sultane.

C’est-à-dire, au bout d’un mois.