Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/450

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rent le Japon d’hommes excellents en tout genre. Leurs neveux furent poëtes, peintres, musiciens, sculpteurs, architectes. Les filles étaient si aimables que leurs époux les prirent sans dot.

la sultane.

Alors on croyait apparemment qu’il fallait d’un côté une grande fortune pour compenser un grand mérite. Le temps en est bien loin. À vous, madame seconde.

la seconde femme.

Ce fut un des fils de Polychresta qui succéda à l’empire. Ses frères devinrent de grands orateurs, de profonds politiques, de savants géomètres, d’habiles astronomes, et suivirent, du consentement de leurs parents, leur goût naturel ; car les talents alors ne dégradaient point au Japon.

la sultane.

Continuez, madame seconde.

la seconde femme.

Divine fut l’autre fille de Lively. Génistan l’avait eue de cette aimable et singulière princesse, dans l’âge de maturité. Elle rassemblait tant de qualités, que les fées en devinrent jalouses. Elles ne purent souffrir qu’une mortelle les égalât. Elles lui envoyèrent les pâles couleurs, dont elle mourut avant qu’on eût trouvé quelqu’un digne d’être son médecin.

la sultane.

Continuez, premier émir.

le premier émir.

Il y eut aussi, dans la famille, des héros. L’histoire du Japon parle d’un dont la mémoire est encore en vénération, et dont on voit le portrait sur les tabatières, les écrans, les paravents, toutes les fois que la nation est mécontente du prince régnant : c’est ainsi qu’elle se permet de s’en plaindre. Il reconquit le trône usurpé sur ses ancêtres. La race ne tarda pas à s’éteindre ; tout dégénéra, et l’on sait à peine aujourd’hui eu quel temps Génistan et Polychresta ont régné. Il ne reste d’eux qu’une tradition contestée. On parle de leur âge, comme nous parlons de l’âge d’or. Il passe pour le temps des fables.

la sultane.

Je ne suis pas mécontente de votre conte ; je ne crois pas