Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, V.djvu/380

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besoin de leur livre, publié en novembre, pour savoir que cet ouvrage existait en allemand ;

2o M. de Saur, ayant connu mon prospectus, vint me prier de remettre à la fin de mon édition la publication de l’original que je possédais, « pour ne pas tuer, me dit-il alors, la traduction. » Il sentait bien que la comparaison avec l’original serait plus que dangereuse pour lui. Il voulut charger M. Belin de l’impression ; M. Belin refusa ;

3o Cependant, M. de Saur imprima et publia sa traduction ; il la soumit au public, non comme une version faite sur l’allemand de Goethe, mais comme un ouvrage posthume et inédit de Diderot. Aujourd’hui que je publie une version bien différente de celle de M. de Saur et que je suis obligé de faire connaître l’imposture du traducteur, c’est lui qui vient m’accuser ! Qu’il réponde donc à la déclaration suivante : Il existe entre les mains de Mme de Vandeul, fille unique de Diderot, demeurant à Paris, rue Neuve-du-Luxembourg, no 18, un in-4o manuscrit intitulé : le Neveu de Rameau, et c’est sur ce manuscrit que j’ai fait mon édition ;

4o Pour faire connaître la confiance que peuvent inspirer MM. de Saur et de Saint-Geniès, je dirai qu’il y a trois semaines environ, je leur confiai des feuilles de mon édition du Neveu de Rameau, que M. de Saur me les demanda, « dans l’intention, me dit-il, de s’amuser à faire des rapprochements et des comparaisons » avec sa traduction ; et c’est abusant de ce dépôt qu’ils écrivent aujourd’hui que le dialogue qu’ils attaquent fait partie de la dernière livraison des Œuvres de Diderot. Cette livraison n’est cependant point publiée et ne le sera point avant trois semaines ;

5o Je ne répondrai point aux injures que MM. de Saur et de Saint-Geniès, juges et parties dans leur cause, adressent à Diderot ; c’est au jugement du public que j’en appelle ; je le renvoie à mon Avertissement et lui laisse à prononcer entre un traducteur allemand et Diderot, auquel cet Allemand reproche de ne pas savoir écrire en français ; mais je ne puis résister à l’envie de lui citer un petit passage que Grimm semble avoir écrit pour lui :

« Les petits écrivains devraient se contenter de la liberté qu’on leur laisse de barbouiller du papier, et apprendre, une fois pour toutes, que les ouvrages des hommes de génie sont trop respectables pour qu’il soit permis à d’indignes mains d’y toucher. » Les écrits de Diderot seraient alors l’arche sainte pour MM. de Saur et de Saint-Geniès.

Agréez, etc.

Brière.


M. de Saur crut, après cette réponse, pouvoir continuer encore la lutte. Il répondit, dans le Corsaire du 3 août 1823 :


Monsieur le rédacteur,

Un écrit assez singulier de Diderot (le Neveu de Rameau) a éprouvé une destinée non moins singulière. Confié par l’auteur à des amis, puis livré aux flammes par des mains ennemies, traduit par Goethe à Leipsick, tandis qu’il était ignoré à Paris, il n’a commencé à y être connu que lorsque nous l’avons traduit en français sur l’allemand de Gœthe, en 1821. Habent sua fata libelli. Toutes les vicissitudes de la destinée des livres n’étaient pas encore épuisées pour celui-ci.

M. Brière, libraire, prétend avoir recouvré ce trésor. En l’examinant, nous avons reconnu que ce n’était que de la fausse monnaie ; et si malheureusement Diderot eût été l’auteur du fatras qu’on lui attribue, c’eût été le cas de s’écrier :

Comment en un plomb vil l’or pur s’est-il changé ?