Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, V.djvu/470

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qui récite bien chantera bien ; mais je serais surpris que celui qui chante bien, ne sût pas bien réciter. Et croyez tout ce que je vous dis là, car c’est le vrai.

moi.

Je ne demanderais pas mieux que de vous en croire, si je n’étais arrêté par un petit inconvénient.

lui.

Et cet inconvénient ?

moi.

C’est que si cette musique est sublime, il faut que celle du divin Lulli, de Campra, de Destouches, de Mouret, et même, soit dit entre nous, celle du cher oncle, soit un peu plate.

lui, s’approchant de mon oreille, me répondit :

Je ne voudrais pas être entendu, car il y a ici beaucoup de gens qui me connaissent ; c’est qu’elle l’est aussi. Ce n’est pas que je me soucie du cher oncle, puisque cher il y a ; c’est une pierre, il me verrait tirer la langue d’un pied qu’il ne me donnerait pas un verre d’eau ; mais il a beau faire, à l’octave, à la septième : Hou, hon ; hin, hin ; tu, tu, tu, turlututu avec un charivari de diable ; ceux qui commencent à s’y connaître et qui ne prennent plus du tintamarre pour de la musique, ne s’accommoderont jamais de cela. On devrait défendre par une ordonnance de police à toute personne, de quelque qualité ou condition qu’elle fût, de faire chanter le Stabat de Pergolèse. Ce Stabat, il fallait le faire brûler par la main du bourreau. Ma foi, ces maudits bouffons avec leur Servante Maîtresse, leur Tracallo nous en ont donné rudement dans le cul. Autrefois un Tancrède, une Issé[1], une Europe galante, les Indes, Castor,

  1. Opéras de Destouches.