entend, et de ce commérage : « Aujourd’hui le boulevard était charmant. Avez-vous entendu la petite Marmotte ? elle joue à ravir. Monsieur un tel avait le plus bel attelage gris-pommelé qu’il soit possible d’imaginer. La belle madame celle-ci commence à passer ; est-ce qu’à l’âge de quarante-cinq ans on porte une coiffure comme celle-là ? La jeune une telle est couverte de diamants qui ne lui coûtent guère.
— Vous voulez dire qui lui coûtent… cher ?
— Mais non.
— Où l’avez-vous vue ?
— À l’Enfant d’Arlequin perdu et retrouvé[1]. »
— La scène du désespoir a été jouée comme elle ne l’avait pas encore été. Le Polichinelle de la Foire a du gosier, mais point de finesse, point d’âme. Madame une telle est accouchée de deux enfants à la fois ; chaque père aura le sien…[2] » Et vous croyez que cela dit, redit et entendu tous les jours, échauffe et conduit aux grandes choses ?
Non, il vaudrait mieux se renfermer dans son grenier, boire de l’eau, manger du pain sec et se chercher soi-même.
Peut-être ; mais je n’en ai pas le courage. Et puis sacrifier son bonheur à un succès incertain ! Et le nom que je porte, donc ? Rameau !… s’appeler Rameau, cela est gênant. Il n’en est pas des talents comme de la noblesse qui se transmet et dont l’illustration s’accroît en passant du grand-père au père et du père au fils, du fils à son petit-fils, sans que l’aïeul impose quelque mérite à son descendant ; la vieille souche se ramifie en une énorme tige de sots, mais qu’importe ? Il n’en est pas ainsi du talent. Pour n’obtenir que la renommée de son père, il faut être plus habile que lui ; il faut avoir hérité de sa fibre… La fibre m’a manqué, mais le poignet s’est dégourdi, l’archet marche, et le pot bout : si ce n’est pas de la gloire, c’est du bouillon.
À votre place, je ne me le tiendrais pas pour dit, j’essayerais.