Je suis pressé depuis si longtemps de vous faire une question, peut-être indiscrète, que je n’y saurais plus tenir.
Faites votre question.
Je suis sûr que vous n’êtes pas née dans une hôtellerie.
Il est vrai.
Que vous y avez été conduite d’un état plus élevé par des circonstances extraordinaires.
J’en conviens.
Et si nous suspendions un moment l’histoire de Mme de La Pommeraye…
Cela ne se peut. Je raconte volontiers[1] les aventures des autres, mais non pas les miennes. Sachez seulement que j’ai été élevée à Saint-Cyr, où j’ai peu lu l’Évangile et beaucoup de romans. De l’abbaye royale à l’auberge que je tiens il y a loin.
Il suffit ; prenez que je ne vous aie rien dit.
Tandis que nos deux dévotes édifiaient, et que la bonne odeur de leur piété et de la sainteté de leurs mœurs se répandait à la ronde, Mme de La Pommeraye observait avec le marquis les démonstrations extérieures de l’estime, de l’amitié, de la confiance la plus parfaite. Toujours bien venu, jamais ni grondé, ni boudé, même après de longues absences : il lui racontait toutes ses petites bonnes fortunes, et elle paraissait s’en amuser franchement. Elle lui donnait ses conseils dans les occasions d’un succès difficile ; elle lui jetait quelquefois des mots de mariage, mais c’était d’un ton si désintéressé, qu’on ne pouvait la soupçonner de parler pour elle. Si le marquis lui adressait
- ↑ Variante : « Assez volontiers. »