Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/144

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quelques-uns de ces propos tendres ou galants dont on ne peut guère se dispenser avec une femme qu’on a connue, ou elle en souriait, ou elle les laissait tomber. À l’en croire, son cœur était paisible ; et, ce qu’elle n’aurait jamais imaginé, elle éprouvait qu’un ami tel que lui suffisait au bonheur de la vie ; et puis elle n’était plus de la première jeunesse, et ses goûts étaient bien émoussés.

« Quoi ! vous n’avez rien à me confier ?

— Non.

— Mais le petit comte, mon amie, qui vous pressait si vivement de mon règne ?

— Je lui ai fermé ma porte, et je ne le vois plus.

— C’est d’une bizarrerie ! Et pourquoi l’avoir éloigné ?

— C’est qu’il ne me plaît pas.

— Ah ! madame, je crois vous deviner : vous m’aimez encore.

— Cela se peut.

— Vous comptez sur un retour.

— Pourquoi non ?

— Et vous vous ménagez tous les avantages d’une conduite sans reproche.

— Je le crois.

— Et si j’avais le bonheur ou le malheur de reprendre, vous vous feriez au moins un mérite du silence que vous garderiez sur mes torts.

— Vous me croyez bien délicate et bien généreuse.

— Mon amie, après ce que vous avez fait, il n’est aucune sorte d’héroïsme dont vous ne soyez capable.

— Je ne suis pas trop fâchée que vous le pensiez.

— Ma foi, je cours le plus grand danger avec vous, j’en suis sûr. »

Jacques.

Et moi aussi.

L’hôtesse.

Il y avait environ trois mois qu’ils en étaient au même point, lorsque Mme de La Pommeraye crut qu’il était temps de mettre en jeu ses grands ressorts. Un jour d’été qu’il faisait beau et qu’elle attendait le marquis à dîner, elle fit dire à la d’Aisnon et à sa fille de se rendre au Jardin du Roi. Le marquis vint ; on