Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/148

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tomber tout à coup dans des supplices sans fin, convenez que ce serait le plus incroyable délire.

— Cela se fait pourtant tous les jours.

— C’est qu’on n’a point de foi, c’est qu’on s’étourdit.

— C’est que nos opinions religieuses ont peu d’influence sur nos mœurs. Mais, mon amie, je vous jure que vous vous acheminez à toutes jambes au confessionnal.

— C’est bien ce que je pourrais faire de mieux.

— Allez, vous êtes folle ; vous avez encore une vingtaine d’années de jolis péchés à faire : n’y manquez pas ; ensuite vous vous en repentirez, et vous irez vous en vanter aux pieds du prêtre, si cela vous convient… Mais voilà une conversation d’un tour bien sérieux ; votre imagination se noircit furieusement, et c’est l’effet de cette abominable solitude où vous vous êtes renfoncée. Croyez-moi, rappelez au plus tôt le petit comte, vous ne verrez plus ni diable, ni enfer, et vous serez charmante comme auparavant. Vous craignez que je vous le reproche si nous nous raccommodons jamais ; mais d’abord nous ne nous raccommoderons peut-être pas ; et par une appréhension bien ou mal fondée, vous vous privez du plaisir le plus doux ; et, en vérité, l’honneur de valoir mieux que moi ne vaut pas ce sacrifice.

— Vous dites bien vrai, aussi n’est-ce pas là ce qui me retient… »

Ils dirent encore beaucoup d’autres choses que je ne me rappelle pas.

Jacques.

Notre hôtesse, buvons un coup : cela rafraîchit la mémoire.

L’hôtesse.

Buvons un coup… Après quelques tours d’allées, Mme  de La Pommeraye et le marquis remontèrent en voiture. Mme  de La Pommeraye dit : « Comme cela me vieillit ! Quand cela vint à Paris, cela n’était pas plus haut qu’un chou.

— Vous parlez de la fille de cette dame que nous avons trouvée à la promenade ?

— Oui. C’est comme dans un jardin où les roses fanées font place aux roses nouvelles. L’avez-vous regardée ?

— Je n’y ai pas manqué.

— Comment la trouvez-vous ?