Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/163

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L’hôtesse.

Il descendit à la porte de Mme de La Pommeraye. Elle était sortie. En rentrant elle trouva le marquis étendu dans un fauteuil, les yeux fermés, et absorbé dans la plus profonde rêverie. Ah ! marquis, vous voilà ? la campagne n’a pas eu de longs charmes pour vous.

— Non, lui répondit-il, je ne suis bien nulle part, et j’arrive déterminé à la plus haute sottise qu’un homme de mon état, de mon âge et de mon caractère puisse faire. Mais il vaut mieux épouser que de souffrir. J’épouse.

Madame de La Pommeraye.

Marquis, l’affaire est grave, et demande de la réflexion.

Le marquis.

Je n’en ai fait qu’une, mais elle est solide : c’est que je ne puis jamais être plus malheureux que je le suis.

Madame de La Pommeraye.

Vous pourriez vous tromper.

Jacques.

La traîtresse !

Le marquis.

Voici donc enfin, mon amie, une négociation dont je puis, ce me semble, vous charger honnêtement. Voyez la mère et la fille ; interrogez la mère, sondez le cœur de la fille, et dites-leur mon dessein.

Madame de La Pommeraye.

Tout doucement, marquis. J’ai cru les connaître assez pour ce que j’en avais à faire ; mais à présent qu’il s’agit du bonheur de mon ami, il me permettra d’y regarder de plus près. Je m’informerai dans leur province, et je vous promets de les suivre pas à pas pendant toute la durée de leur séjour à Paris.

Le marquis.

Ces précautions me semblent assez superflues. Des femmes dans la misère, qui résistent aux appâts que je leur ai tendus, ne peuvent être que les créatures les plus rares. Avec mes offres, je serais venu à bout d’une duchesse. D’ailleurs, ne m’avez-vous pas dit vous-même…

Madame de La Pommeraye.

Oui, j’ai dit tout ce qu’il vous plaira ; mais avec tout cela, permettez que je me satisfasse.