Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/238

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— Très majeur.

— C’est le fils ?

— Le fils.

— Savez-vous que nos deux dernières affaires ?…

— Parlez plus bas.

— Le père ?

— Riche.

— Vieux ?

— Et caduc. »

Le Brun à haute voix : « Tenez, monsieur le chevalier, je ne veux plus me mêler de rien, cela a toujours des suites fâcheuses. C’est votre ami, à la bonne heure ! Monsieur a tout à fait l’air d’un galant homme ; mais…

— Mon cher Le Brun !

— Je n’ai point d’argent.

— Mais vous avez des connaissances !

— Ce sont tous des gueux, de fieffés fripons. Monsieur le chevalier, n’êtes-vous point las de passer par ces mains-là ?

— Nécessité n’a point de loi.

— La nécessité qui vous presse est une plaisante nécessité, une bouillotte, une partie de la belle[1], quelque fille.

— Cher ami !…

— C’est toujours moi, je suis faible comme un enfant ; et puis vous, je ne sais pas à qui vous ne feriez pas fausser un serment. Allons, sonnez donc afin que je sache si Fourgeot est chez lui… Non, ne sonnez pas, Fourgeot vous mènera chez Merval.

— Pourquoi pas vous ?

— Moi ! j’ai juré que cet abominable Merval ne travaillerait jamais ni pour moi ni pour mes amis. Il faudra que vous répondiez pour monsieur, qui peut-être, qui sans doute est un honnête homme ; que je réponde pour vous à Fourgeot, et que Fourgeot réponde pour moi à Merval… »

Cependant la servante était entrée en disant : « C’est chez M. Fourgeot ? »

Le Brun à sa servante : « Non, ce n’est chez personne…

  1. Le jeu de la belle est souvent mentionné au xviiie siècle. C’est un jeu de hasard, une sorte de loterie