Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/239

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Monsieur le chevalier, je ne saurais absolument, je ne saurais… »

Le chevalier l’embrasse, le caresse : « Mon cher Le Brun ! mon cher ami !… » Je m’approche, je joins mes instances à celles du chevalier : « Monsieur Le Brun ! mon cher monsieur !… »

Le Brun se laisse persuader.

La servante qui souriait de cette momerie, part, et dans un clin d’œil reparaît avec un petit homme boiteux, vêtu de noir, canne à la main, bègue, le visage sec et ridé, l’œil vif. Le chevalier se tourne de son côté et lui dit : « Allons, monsieur Mathieu de Fourgeot, nous n’avons plus un moment à perdre, conduisez-nous vite… »

Fourgeot, sans avoir l’air de l’écouter, déliait une petite bourse de chamois.

Le chevalier à Fourgeot : « Vous vous moquez, cela nous regarde… » Je m’approche, je tire un petit écu que je glisse au chevalier qui le donne à la servante en lui passant la main sous le menton. Cependant Le Brun disait à Fourgeot : « Je vous le défends ; ne conduisez point là ces messieurs.

Fourgeot.

Monsieur Le Brun, pourquoi donc ?

Le Brun.

C’est un fripon, c’est un gueux.

Fourgeot.

Je sais bien que M. de Merval… mais à tout péché miséricorde ; et puis, je ne connais que lui qui ait de l’argent pour le moment.

Le Brun.

Monsieur Fourgeot, faites comme il vous plaira ; messieurs, je m’en lave les mains.

Fourgeot, à Le Brun.

Monsieur Le Brun, est-ce que vous ne venez pas avec nous ?

Le Brun.

Moi ! Dieu m’en préserve. C’est un infâme que je ne reverrai de ma vie.

Fourgeot.

Mais, sans vous, nous ne finirons rien.