Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/272

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l’histoire de Desglands. Jacques est-il satisfait ; et puis-je espérer qu’il écoutera l’histoire de mes amours, ou qu’il reprendra l’histoire des siennes ?

Jacques.

Ni l’un, ni l’autre.

Le maître.

Et la raison ?

Jacques.

C’est qu’il fait chaud, que je suis las, que cet endroit est charmant, que nous serons à l’ombre sous ces arbres, et qu’en prenant le frais au bord de ce ruisseau nous nous reposerons.

Le maître.

J’y consens ; mais ton rhume ?

Jacques.

Il est de chaleur ; et les médecins disent que les contraires se guérissent par les contraires.

Le maître.

Ce qui est vrai au moral comme au physique. J’ai remarqué une chose assez singulière ; c’est qu’il n’y a guère de maximes de morale dont on ne fît un aphorisme de médecine, et réciproquement peu d’aphorismes de médecine dont on ne fît une maxime de morale.

Jacques.

Cela doit être.


Ils descendent de cheval, ils s’étendent sur l’herbe. Jacques dit à son maître : « Veillez-vous ? dormez-vous ? Si vous veillez, je dors ; si vous dormez, je veille. »

Son maître lui dit : « Dors, dors.

— Je puis donc compter que vous veillerez ? C’est que cette fois-ci nous y pourrions perdre deux chevaux. »

Le maître tira sa montre et sa tabatière ; Jacques se mit en devoir de dormir ; mais à chaque instant il se réveillait en sursaut, et frappait en l’air ses deux mains l’une contre l’autre. Son maître lui dit : À qui diable en as-tu ?

Jacques.

J’en ai aux mouches et aux cousins. Je voudrais bien qu’on me dît à quoi servent ces incommodes bêtes-là ?