Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/274

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Le maître.

Un philosophe de ton nom ne le veut pas[1].

Jacques.

C’est que chacun a son avis, et que Jean-Jacques n’est pas Jacques.

Le maître.

Et tant pis pour Jacques.

Jacques.

Qui sait cela avant que d’être arrivé au dernier mot de la dernière ligne de la page qu’on remplit dans le grand rouleau ?

Le maître.

À quoi penses-tu ?

Jacques.

Je pense que, tandis que vous me parliez et que je vous répondais, vous me parliez sans le vouloir, et que je vous répondais sans le vouloir.

Le maître.

Après ?

Jacques.

Après ? Et que nous étions deux vraies machines vivantes et pensantes.

Le maître.

Mais à présent que veux-tu ?

Jacques.

Ma foi, c’est encore tout de même. Il n’y a dans les deux machines qu’un ressort de plus en jeu.

Le maître.

Et ce ressort là… ?

Jacques.

Je veux que le diable m’emporte si je conçois qu’il puisse jouer sans cause. Mon capitaine disait : « Posez une cause, un effet s’ensuit ; d’une cause faible, un faible effet ; d’une cause momentanée, un effet d’un moment ; d’une cause intermittente, un effet intermittent ; d’une cause contrariée, un effet ralenti ; d’une cause cessante, un effet nul. »

  1. J.-J. Rousseau, Émile, liv. II. (Br.)