Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/279

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Le maître.

Par la doctrine. Si la doctrine est bonne, les miracles sont de Dieu ; si elle est mauvaise, les miracles sont du diable.

Jacques, (Ici Jacques se mit à siffler, puis il ajouta :)

Et qui est ce qui m’apprendra à moi, pauvre ignorant, si la doctrine du faiseur de miracles est bonne ou mauvaise ? Allons, monsieur, remontons sur nos bêtes. Que vous importe que ce soit de par Dieu ou de par Belzébuth que votre cheval se soit retrouvé ? En ira-t-il moins bien ?

Le maître.

Non. Cependant, Jacques, si vous étiez possédé…

Jacques.

Quel remède y aurait-il à cela ?

Le maître.

Le remède ! ce serait, en attendant l’exorcisme… ce serait de vous mettre à l’eau bénite pour toute boisson.

Jacques.

Moi, monsieur, à l’eau ! Jacques à l’eau bénite ! J’aimerais mieux que mille légions de diables me restassent dans le corps, que d’en boire une goutte, bénite ou non bénite. Est-ce que vous ne vous êtes pas aperçu que j’étais hydrophobe ?…


Ah ! hydrophobe ? Jacques a dit hydrophobe ?… Non, lecteur, non ; je confesse que le mot n’est pas de lui. Mais avec cette sévérité de critique-là, je vous défie de lire une scène de comédie ou de tragédie, un seul dialogue, quelque bien qu’il soit fait, sans surprendre le mot de l’auteur dans la bouche de son personnage. Jacques a dit : « Monsieur, est-ce que vous ne vous êtes pas encore aperçu qu’à la vue de l’eau, la rage me prend ?… » Eh bien ? en disant autrement que lui, j’ai été moins vrai, mais plus court.

Ils remontèrent sur leurs chevaux ; et Jacques dit à son maître : « Vous en étiez de vos amours au moment où, après avoir été heureux deux fois, vous vous disposiez peut-être à l’être une troisième. »

Le maître.

Lorsque tout à coup la porte de corridor s’ouvre. Voilà la chambre pleine d’une foule de gens qui marchent tumultueu-