Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/324

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— Cela lui arrive tous les jours, et jamais sans qu’on en soit plus instruit.

— Et qu’un endroit d’Horace, qui m’avait paru maussade, devient pour moi d’un naturel charmant, et d’une finesse exquise.

— Et cet endroit ?

— C’est celui où le poëte prétend qu’on ne lui refusera pas une indulgence qu’on a bien accordée à Lucilius, son compatriote. Soit que Lucilius fût Appulien ou Lucanien, dit Horace, je marcherai sur ses traces.

— Je vous entends, et c’est dans la bouche de Trébatius, dont Horace a touché le texte favori, que vous mettez cette longue discussion sur l’histoire ancienne des deux contrées. Cela est bien et finement vu.

— Quelle vraisemblance, à votre avis, que le poëte sût ces choses ! Et, quand il les aurait sues, qu’il eût assez peu de goût pour quitter son sujet, et se jeter dans un fastidieux détail d’antiquités !

— Je pense comme vous.

— Horace dit :


. . . . . Sequor hunc, Lucanus, an Appulus.


L’érudit Trébatius prend la parole à Anceps, et dit à Horace : « Ne brouillons rien, vous n’êtes ni de la Pouille, ni de la Lucanie ; vous êtes de Venouse, qui laboure sur l’un et l’autre finage. Vous avez pris la place des Sabelliens après leur expulsion. Vos ancêtres furent placés là comme une barrière qui arrêta les incursions des Lucaniens et des Appuliens. Ils remplirent cet espace vacant, et firent la sécurité de notre territoire contre deux violents ennemis. C’est du moins une tradition très-vieille. » L’érudit Trébatius, toujours érudit, instruit Horace sur les chroniques surannées de son pays. Et l’érudit Burigny, toujours érudit, m’explique un endroit difficile d’Horace, en m’interrompant précisément comme le poëte l’avait été par Trébatius.

— Et vous partez de là, vous, pour me faire un long narré des mots de nature et des propos de passion, de caractère et de profession ?