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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/90

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stance pareille ? Aussi cette femme en pensa mourir. Ses transes durèrent jusqu’au jour de la poste suivante pour laquelle son mari lui écrivit que l’opération s’était faite heureusement, qu’il était hors de tout danger, et qu’il se flattait de l’embrasser avant la fin du mois.

Jacques.

Et l’embrassa-t-il en effet ?

Le maître.

Oui.

Jacques.

Je vous ai fait cette question, parce que j’ai remarqué plusieurs fois que le destin était cauteleux. On lui dit au premier moment qu’il en aura menti, et il se trouve au second moment, qu’il a dit vrai. Ainsi donc, monsieur, vous me croyez dans le cas du pressentiment symbolique ; et, malgré vous, vous me croyez menacé de la mort du philosophe ?

Le maître.

Je ne saurais te le dissimuler ; mais pour écarter cette triste idée, ne pourrais-tu pas ?…

Jacques.

Reprendre l’histoire de mes amours ?…


Jacques reprit l’histoire de ses amours. Nous l’avions laissé, je crois, avec le chirurgien.

Le chirurgien.

J’ai peur qu’il n’y ait de la besogne à votre genou pour plus d’un jour.

Jacques.

Il y en aura tout juste pour tout le temps qui est écrit là-haut, qu’importe ?

Le chirurgien.

À tant par jour pour le logement, la nourriture et mes soins, cela fera une somme.

Jacques.

Docteur, il ne s’agit pas de la somme pour tout ce temps ; mais combien par jour.

Le chirurgien.

Vingt-cinq sous, serait-ce trop ?

Jacques.

Beaucoup trop ; allons, docteur, je suis un pauvre diable :