Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/282

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Sophie.

Qu’est-ce qu’on m’apprendra ? N’en sais-je pas assez ? Où suis-je ? Que fais-je ici ? Qui est-ce qui m’y a conduite ? Qui m’y retient ?… Monsieur, qu’avez-vous résolu de moi ?

Saint-Albin.

De vous aimer, de vous posséder, d’être à vous malgré toute la terre, malgré vous.

Sophie.

Vous me montrez bien le mépris qu’on fait des malheureux. On les compte pour rien. On se croit tout permis avec eux. Mais, monsieur, j’ai des parents aussi.

Saint-Albin.

Je les connaîtrai. J’irai ; j’embrasserai leurs genoux ; et c’est d’eux que je vous obtiendrai.

Sophie.

Ne l’espérez pas. Ils sont pauvres, mais ils ont de l’honneur… Monsieur, rendez-moi à mes parents ; rendez-moi à moi-même ; renvoyez-moi.

Saint-Albin.

Demandez plutôt ma vie ; elle est à vous.

Sophie.

Dieu ! que vais-je devenir ? (À Cécile, à Germeuil, d’un ton désolé et suppliant :) Monsieur… mademoiselle… (Et se retournant vers Saint-Albin :) Monsieur, renvoyez-moi… renvoyez-moi… Homme cruel, faut-il tomber à vos pieds ? M’y voilà. (Elle se jette aux pieds de Saint-Albin.)

Saint-Albin, tombe aux siens en la relevant et dit :

Vous, à mes pieds ! C’est à moi à me jeter, à mourir aux vôtres.

Sophie, relevée.

Vous êtes sans pitié… Oui, vous êtes sans pitié… Vil ravisseur, que t’ai-je fait ? quel droit as-tu sur moi ?… Je veux m’en aller… Qui est-ce qui osera m’arrêter ? Vous m’aimez ?… vous m’avez aimée ?… vous ?

Saint-Albin.

Qu’ils le disent.

Sophie.

Vous avez résolu ma perte… Oui, vous l’avez résolue, et