Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/50

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qu'à vous demander un moment. Ma sœur , alarmée de quelques bruits fâcheux qui se sont répandus ici sur la fortune de Rosalie et sur le retour de son père, est sortie malgré elle. Je lui ai promis que vous ne partiriez point qu'elle ne fût rentrée. Vous ne me refuserez pas de l'attendre.

Dorval : Y a-t-il quelque chose que Constance ne puisse obtenir de moi ?

Clairville : Constance ! hélas ! j'ai pensé quelquefois. Mais renvoyons ces idées à des temps plus heureux. Je sais où elle est et je vais hâter son retour.


scène V

Dorval, seul. : Suis-je assez malheureux ?.J'inspire une passion secrète à la sœur de mon ami. J'en prends une insensée pour sa maîtresse ; elle pour moi. Que fais-je encore dans une maison que je remplis de désordre ? Où est l'honnêteté? Y en a-t-il dans ma conduite? (Il appelle comme un forcené : ) Charles , Charles On ne vient point. Tout m'abandonne. ( Il se renverse dans un fauteuil. Il s'abîme dans la rêverie. Il jette ces mots par intervalles. ) Encore, si c'étaient là les premiers malheurs que je fais ! Mais non je traîne partout l'infortune. Tristes mortels, misérables jouets des événements ! Soyez bien fiers de votre bonheur, de votre vertu!. Je viens ici, j'y porte une âme pure Oui ; car elle l'est encore. J'y trouve trois êtres favorisés du Ciel ; une femme vertueuse et tranquille, un amant passionné et payé de retour, une jeune amante raisonnable et sensible. La femme vertueuse a perdu sa tranquillité; elle nourrit dans son cœur une passion qui la tourmente. L'amant est désespéré. Sa maîtresse devient inconstante, et n'en est que plus malheureuse. Quel plus grand mal eût fait un scélérat? Toi qui conduis tout , qui m'as conduit ici, te chargeras-tu de