Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/68

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ses discours. son caractère. ce changement de nom. Mais laissez-moi dissiper un soupçon qui m’obsède et penses à votre affaire.

Clairville : Songez , Dorval, que le fort de Clairville est entre vos mains.



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scène IX


Dorval seul :

Quel jour d’amertume et de trouble ! Quelle variété de tourments ! Il semble que d'épaisses ténèbres se forment autour de moi, et couvrent ce cœur accablé sous mille sentiments douloureux ! O Ciel ! ne m'accorderas-tu pas un moment de repos ! Le mensonge la dissimulation me sont en horreur ; et dans un mitant j'en impose à mon ami , à sa sœur, à Rosalie. Que doit-elle penser de moi ? Que déciderai-je de son amant? Quel parti prendre avec Constance ? Dorval, cesseras-tu, continueras-tu d'être homme de bien ? Un événement imprévu a ruiné Rosalie. Elle est indigente. Je suis riche. Je l'aime. J'en suis aimé. Clairville ne peut l'obtenir. Sortez de mon esprit, éloignez-vous de mon cœur, illusions honteuses ! Je peux être le plus malheureux des hommes; mais je ne me rendrai pas le plus vil. Vertu , douce, cruelle idée ! Chers et barbares devoirs !.Amitié,qui m'enchaînes et me déchires, vous serez obéie. Vertu , qu'es-tu si tu n'exiges aucun sacrifice ? Amitié , tu n'es qu'un vain nom , si tu n'imposes aucune loi. Clairville épousera donc Rosalie !.


Il tombe presque sans sentiment dans un fauteuil, il se relève ensuite et il dit:


Non, je n'enlèverai point à mon ami sa maîtresse. Je ne me dégraderai point jusques-là. Mon cœur m'en répond. Malheur à celui qui n'écoute point la voix de son cœur ! Mais Clairville n'a point de fortune. Rosalie n'en a plus. Il faut écarter ces obstacles. Je le puis. Je le veux. Y a-t-il quelque peine dont un acte généreux ne console ? Ah ! je commence à respirer ! Si je n'épouse point Rosalie , qu'ai-je besoin de fortune? Quel plus digne usage que d'en disposer en faveur de deux êtres