Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VIII.djvu/203

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Monsieur Hardouin.

Quel intérêt j’y prends ? Le plus grand. Avez-vous regardé madame Bertrand ?

Monsieur Poultier.

D’accord, elle est fort bien.

Monsieur Hardouin.

Et si je la trouvais telle depuis dix ans ?

Monsieur Poultier.

Vous en auriez assez.

Monsieur Hardouin.

Laissons la plaisanterie. Vous êtes un très-galant homme, incapable de compromettre la réputation d’une femme et de faire mourir de douleur un ami. Ces gens de mer, peu aimables d’ailleurs, sont sujets à de longues absences.

Monsieur Poultier.

Et ces longues absences seraient fort ennuyeuses pour leurs femmes, si elles étaient folles de leurs maris.

Monsieur Hardouin.

Madame Bertrand estimait fort le brave capitaine Bertrand, mais elle n’en avait pas la tête tournée, et cet enfant pour lequel elle sollicite la réversibilité de la pension, cet enfant…

Monsieur Poultier.

Vous en êtes le père.

Monsieur Hardouin.

Je le suppose.

Monsieur Poultier.

Pourquoi diable lui faire un enfant ?

Monsieur Hardouin.

C’est elle qui l’a voulu.

Monsieur Poultier.

Cependant cela change un peu la thèse.

Monsieur Hardouin.

Je ne suis pas riche, vous connaissez ma façon de penser et de sentir. Dites-moi, si cette femme venait à mourir, croyez-vous que je pusse supporter les dépenses de l’éducation d’un enfant, ou me résoudre à l’oublier, à l’abandonner ? Le feriez-vous ?