Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VIII.djvu/225

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Monsieur Hardouin.

Je rêvais ; oui, je rêvais, et si vous voulez que je vous le confesse, je rêvais à toutes ces fausses joies du monde… J’en suis las et très-las.

Le Marquis de Tourvelle.

Vous l’avouerai-je à mon tour ? J’ai toujours bien espéré de vous, car je vous ai remarqué des sentiments de religion : au milieu de vos égarements vous avez respecté la religion ; courage ! mon cher Hardouin ; point de mauvaise honte ; ce qui m’est arrivé, vous arrivera : les brocards pleuvront sur vous ; il faut s’attendre à cela ; mais il faut aller à Dieu quand il nous appelle, les moments de la grâce ne sont pas fréquents. Quand vous aurez pris intrépidement votre parti, venez me voir, je vous mettrai entre les mains d’un homme ; ah ! quel homme !… mais il faut que je vous quitte. Le père Élisée, et après le père Élisée, je nomme à ce prieuré de Préfontaine, pour lequel on me sollicite de tous les côtés.

Monsieur Hardouin.

Mais à propos, on dit par le monde, on m’a dit que vous le destiniez à un abbé Gauchat, et j’en suis vraiment affligé. L’abbé Gauchat est un de mes compagnons d’étude. Il fait de jolis vers, il fréquente la bonne compagnie, il joue, il a d’excellent vin de Champagne, dont il n’est pas économe, et il attend ce bénéfice pour faire usage de son revenu, mais, entre nous, un usage détestable.

Le Marquis de Tourvelle.

C’est l’abbé Dubuisson que vous voulez dire.

Monsieur Hardouin.

Fi donc ! l’abbé Dubuisson est un homme doué de toutes les vertus et de toutes les connaissances de son état, et qui, par ses mœurs, fait l’édification de son séminaire où il a toujours vécu.

Le Marquis de Tourvelle.

Que m’apprenez-vous là ?

Monsieur Hardouin.

Je gagerais bien que c’est une petite dévote de vingt ans qui vous a recommandé le Gauchat.