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OBSERVATIONS
SUR LA SCULPTURE
ET
SUR BOUCHARDON[1]
1763




Il me semble que le jugement qu’on porte de la sculpture est beaucoup plus sévère que celui qu’on porte de la peinture. Un tableau est précieux, si, manquant par le dessin, il excelle dans la couleur ; si, privé de force et de coloris ou de correction de dessin, il attache par l’expression ou par la beauté de la composition : on ne pardonne rien au statuaire. Son morceau pèche-t-il par l’endroit le plus léger ? ce n’est plus rien ; un coup de ciseau donné mal à propos réduit le plus grand ouvrage au sort d’une production médiocre, et cela sans ressource : le peintre, au contraire, revient sur son travail, et le corrige tant qu’il lui plaît.

Mais une condition, sans laquelle on ne daigne pas s’arrêter devant une statue, c’est la pureté des proportions et du dessin : nulle indulgence de ce côté. On parlait un jour devant Falconet le sculpteur de la difficulté des deux arts : « La sculpture, dit-il, était autrefois plus difficile que la peinture ; aujourd’hui, cela a changé. » Cependant aujourd’hui il y a un très-grand nombre d’excellents tableaux ; et l’on a bientôt compté toutes les excellentes statues ; il est vrai qu’il y a plus de peintres que de statuaires, et que le peintre a couvert sa toile de figures, avant que le statuaire ait dégrossi son bloc de marbre.

  1. Bouchardon, né à Chaumont en Bassigny en 1698, était mort le 27 juillet 1702. M. de Caylus avait fait paraître sous cette même date une Vie d’Edme Bouchardon ; Paris, in-12. En annonçant l’inauguration de la statue de Louis XV, sur la place de ce nom, Grimm dit : « M. le comte de Caylus a publié une Vie de l’illustre statuaire..., mais je crois que vous aimerez mieux lire l’article suivant que M. Diderot vient de m’envoyer. » Correspondance littéraire, 1er mars 1763.