Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/301

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première lettre


Si dix-neuf ans d’absence ne m’ont pas, monsieur, absolument effacée de votre souvenir, je vous demande un jour où je puisse vous communiquer des choses fort importantes pour moi et peut-être pour vous. J’ai trois endroits où je puis vous voir avec tout le secret que vous exigerez : ici, à Paris, ou hors des barrières Saint-Michel où l’on m’a prêté une maison où je vais dissiper un noir chagrin qui me consume. La cause en est si connue que vous la savez sans doute. Ou vous êtes bien changé de ce que vous étiez, ou j’ai lieu d’attendre de vous la complaisance que je vous demande. Adressez votre réponse ici : on n’ouvre point mes lettres.


Réponse.


Madame,

Je suis à vos ordres. Des trois endroits que vous me proposez, choisissez celui qui vous sera le plus commode ; et j’y serai au jour, à l’heure que vous m’indiquerez. S’il est des sentiments que le temps efface, il en est d’autres qu’un galant homme retrouve toujours en soi.


deuxième lettre


Je vous reconnais, monsieur, aux derniers mots de votre lettre, et notre rendez-vous serait déjà arrangé, si je n’avais voulu en assurer la tranquillité. Elle est tout à fait nécessaire aux choses que nous avons à nous dire ; je tâcherai que ce soit ici. Je vous renouvelle les assurances de toute mon estime.


troisième lettre


J’ai enfin arrangé notre entrevue à mardi, 11 du mois. Vous viendrez à… vous y serez rendu à cinq heures au plus tôt et au plus tard. Mon appartement est aux entresols, n°… Vous laisserez votre voiture dans un des coins…, et vous monterez par l’escalier qui est au bout du corridor du côté… Cette attente a le pouvoir de suspendre mon profond chagrin. Ou je me trompe fort, ou vous aurez le secret de l’adoucir, ce qui est impossible à tout autre.