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VI


1770.

Monsieur et cher abbé, je voulais engager une de ces dames[1] à vous proposer de venir passer la journée de demain lundi à la campagne avec elles. Mais elles prétendent que vous vous rendez plus aisément à ma prière et à mes avances qu’aux leurs ; rien n’est plus faux, et quoiqu’à dire vrai vous ayez bien de l’amitié pour moi parce que vous ne voudriez pas être un ingrat, il y a cent moments contre un où vous leur donneriez la préférence, et vous feriez bien et je ferais comme vous. Mais j’obéis. Voulez-vous passer la journée de demain, mais toute la journée, à compter depuis sept heures du matin jusqu’à neuf du soir, avec la mère, une des filles et moi, si cela vous convient ? (Il faudrait que vous fussiez bien maussade, si cela ne vous convenait pas. Qui est-ce qui vous aime et vous estime plus que nous ? Qui est-ce qui vous le dira mieux ? Qui est-ce qui vous en donnera des marques plus vraies ?) (Je ne savais pas quand cette parenthèse finirait ; c’est que, quand on vous cajole, il en coûte si peu qu’on ne finit pas.) En voilà une autre, et si je n’y prends garde, j’en ferai une troisième..... Mais où en étais-je ?..... Si cela vous convient ; du moins, vous serez tout vêtu, tout chaussé, tout aimable, tout gai, à sept heures du matin que j’irai vous prendre chez vous, pour disposer de vous comme il nous plaira. Si l’on vous met à mal, eh bien, cher abbé, vous vous en consolerez. N’oubliez pas votre naïveté que j’aime tant, ni votre voix, afin que nous puissions être enchantés, soit que vous parliez, soit que vous chantiez. Un mot de réponse par écrit, sans dire un mot au domestique. C’est une partie qu’on trame en secret ; ce qui me fait réellement craindre pour vous. Mais voyez, ou plutôt répondez bravement : tout est vu, et je courrai toutes les aventures qu’il plaira à ces dames de me faire courir.

  1. La famille Volland.