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choque presque autant qu’un rôle de fille de quinze ans fait par une femme de cinquante.

Bonjour, mademoiselle, portez-vous bien et comptez toujours sur mon amitié.


IX

À LA MÊME, À VARSOVIE.
21 février 1768.

J’ai reçu, mademoiselle, et votre lettre et celle qui servira à arranger votre compte avec M. Dumolard, et votre certificat de vie et la procuration très-ample que vous m’accordez pour traiter de vos affaires, et la lettre de 12,000 francs sur MM. Tourton et Baure. Comme cette lettre est à un mois et demi d’échéance, cela me donnera le temps de me retourner et de préparer un emploi sûr de votre argent. Vous êtes bien plus sage que je ne vous croyais, et vous me trompez bien agréablement. Je savais que le cœur était bon ; pour la tête, je ne pensais pas que femme au monde en eût jamais porté sur ses épaules une plus mauvaise. Me voilà rassuré sur l’avenir ; quelque chose qui puisse vous arriver, vous avez pourvu, pour vous et pour votre mère, aux besoins pressants de la vie. Je verrai M. Dumolard incessamment. Je souhaite que notre entrevue se passe sans, aigreur ; j’en doute. Je ne prononce rien sur la droiture de M. Dumolard, mais je ne puis faire un certain cas d’un homme qui divertit à son propre usage un argent qui ne lui appartient pas. Ninon, manquant de pain, n’aurait pas fait ainsi. Je me hâte de vous tranquilliser. Hâtez-vous de me répondre sur les propositions que je vous fais au nom de M. Mitreski, chargé de former ici une troupe. Je me sers du mot propre, et vous savez, par le cas que je fais des grands talents, en quelque genre que ce soit, que mon dessein n’est pas de vous humilier. Si j’avais l’âme, l’organe et la figure de Quinault-Dufresne, demain je monterais sur la scène, et je me tiendrais plus honoré de faire verser des larmes au méchant même sur la vertu persécutée, que de débiter dans une chaire,