Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/426

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remettrai vos titres, vous verrez que je me serais bien gardé d’aventurer une somme assez considérable sur la tête de ma fille, si cet emploi ne m’avait pas semblé plus avantageux et plus solide qu’aucun autre. Dormez tranquillement ; pour que vous souffrissiez quelque chose, il faudrait que l’État se bouleversât de fond en comble. Jusqu’à présent les rentes viagères ont été sacrées. Le gouvernement n’ignore pas qu’il est dépositaire, en cette partie, de toute la fortune de ceux qui ont eu confiance en lui, et qu’en trompant cette confiance il réduirait un million de citoyens à la mendicité ; ce qu’il n’a jamais fait et ce qu’il ne fera point. C’est son intérêt. C’est sous peine de ruiner absolument son crédit. Celui que j’avais chargé de toucher vos rentes a égaré votre certificat de vie. Aussitôt ma lettre reçue, ayez la bonté de m’en envoyer une autre. Le plus tôt sera le mieux.

Travaillez, ne vous contentez pas de vos succès, prêtez moins l’oreille à ceux qui vous applaudissent qu’à ceux qui vous critiquent. Les applaudissements vous laisseront où vous en êtes ; les critiques, si vous en profitez, vous corrigeront de vos défauts et perfectionneront votre talent. Mettez à profit leur mauvaise volonté.

Adoucissez votre caractère violent, sachez supporter une injure ; c’est le meilleur moyen de la repousser. Si vous répondez autrement que par le mépris, vous vous mettrez sur la même ligne que celui qui vous aura manqué.

Surtout mettez tout en œuvre pour vous rendre agréable à vos associés.

Je vous ai tant prêchée sur les mœurs, et ma morale est si facile à suivre, qu’il ne me reste plus rien à vous dire là-dessus.


fin des lettres à mademoiselle jodin