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serait vaine de vous posséder tous, moi je serais vain de lui appartenir.

Je suis avec respect, messieurs, etc., etc.



XL


AU GÉNÉRAL BETZKY.
Paris, 29 décembre 1767.
Monsieur,

Monsieur, je suis confondu, je reste stupéfait des bontés nouvelles dont il a plu à Sa Majesté Impériale de me combler. Jamais grâces n’ont été moins méritées, plus inattendues ; et jamais reconnaissance ne fut plus vivement sentie et plus difficile à témoigner.

Grande princesse, je me prosterne à vos pieds, je tends mes deux bras vers vous ; je voudrais parler ; mais mon âme se serre, ma tête se trouble, mes idées s’embarrassent, je m’attendris comme un enfant, et les vraies expressions du sentiment qui me remplit expirent sur les bords de ma lèvre.

Monsieur, prenez mon ami Falconet par la main ; conduisez-le au pied du trône, et qu’il tâche de parler pour moi. Mais non ; n’en faites rien, il est touché de mon bonheur comme du sien, et il ne dira pas mieux que moi. Ah ! malheur à celui qui jouirait de tout son esprit à ma place ; cet homme aurait un cœur bien froid.

Sans doute il y a eu des souverains bienfaisants ; mais qu’on m’en cite un seul qui ait mis à ses bienfaits cette singulière délicatesse qu’y met votre souveraine et la mienne. Oui, monsieur, elle est aussi la mienne ; puisque c’est elle qui m’honore, qui me protège, et qui se charge d’acquitter la dette de mon pays.

Catherine ! soyez sûre que vous ne régnez pas plus puissamment sur les cœurs à Pétersbourg qu’à Paris. Vous avez ici une cour et vos courtisans, et ces courtisans ont des âmes nobles, hautes, honnêtes, généreuses, et leur caractère principal est de ne l’être que des héros et de vous. Ce sont tous nos