Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/174

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cheval. Voyez comme il s’élance bien, et il me semble qu’il n’a pas dû m’en dire davantage[1].

Je passe l’article de Mermecide ; c’est de la plaisanterie qu’on trouvera bonne ou mauvaise, selon le tour d’esprit qu’on aura. Mon ami Falconet s’amuse, et c’est bien fait que de s’amuser et d’écrire de ces choses-là gaiement, franchement, sans prétention, sans subtilité, sans y mettre ni plus de passion et d’intérêt que l’objet n’en mérite.

Je me souviens que vous vous êtes prosterné pour moi devant Bayle, et il ne tiendrait qu’à moi de faire amende honorable pour vous à Pline et à Euphranor. Pline a dit du Pâris d’Euphranor : « Il est si bien fait qu’on y reconnaît judex Dearum, amator Helenæ, Achillis interfector[2]. Vous ajoutez : Hélène était dans ses bras ; il tenait une pomme et une flèche, et voilà les trois caractères expliqués. Sur l’endroit de Pline, j’aurais juré qu’il y parlait du caractère et de l’expression de la sublime figure d’Euphranor ; sur votre commentaire, j’aurais juré que la flèche et la pomme étaient d’Euphranor. J’ouvre Pline, et je suis tout étonné de voir qu’il n’y a ni flèche ni pomme, et que ses rares inventions sont de vous. Mon ami, avec ce secret il n’y a point d’auteur qu’on n’aplatisse, point de compositions qui ne deviennent maussades. Ce trait m’a rendu la plupart de vos citations suspectes ; j’ai vu que quand vous aviez résolu qu’un écrivain et un peintre fussent deux sots, vous n’en démordiez pas aisément ; j’ai vu qu’en effet vous faisiez peu de cas de l’avenir ; car, enfin, quand vous auriez abusé de ma paresse à vérifier des citations ; quand vous auriez estropié, mutilé, tronqué pour moi la description du Cerf de Canachus, elle reste dans Pline telle qu’elle était, et il faut qu’il vienne un moment où quelque érudit me venge de vous[3].

  1. « Ah ! ah ! la phrase latine est abandonnée. Cette fois-ci vous y substituez la vôtre, qui n’est pas capucine. »
  2. Lib. XXIV, cap. viii.
  3. « Mon ami, je passe condamnation, je vais tout avouer. Après avoir rapporté les paroles de Pline sur le Pâris d’Euphranor, j’ai dit de mon chef : Hélène était dans ses bras ; s’il tenait une pomme et une flèche, les trois reconnaissances étaient aisées. J’aurai malheureusement fait la lettre s de s’il tenait trop petite, vous ne l’aurez pas vue. Cela m’a valu un traitement qui ne conviendrait pas trop à un homme dont la justice serait la qualité dominante. Si vous traitez ainsi, belle Iris, qui vous aime, que pourriez-vous faire à vos ennemis ? et vous lisez ! et vous voulez faire amende honorable pour moi ! Ce sont des mains pures qu’il faut lever au ciel. Prenez mon cahier, vous y trouverez, s’il tenait, et point il tenait, et vous n’aurez que nos noms à changer dans la formule de votre amende honorable, que rien ne vous empêche de faire. »