Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/205

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Polygnote. Si vous m’assurez que je me trompe, je vous en croirai, car personne ne peut savoir mieux que vous apprécier certaines données, et juger par elles des progrès et de l’état nécessaire de l’art[1].

Je vous ai dit que partout où il y avait des urnes d’airain, des lavacres élevés sur des piédestaux, des trépieds soutenus par des enfants, des casques décorés de serpents, des boucliers enrichis de bas-reliefs, de coiffures de têtes élégantes, on était entraîné à reconnaître le reflet des beaux-arts sur les ustensiles communs de la vie, et que cette espèce de luxe était toujours la dernière à se produire chez un peuple. Que m’avez-vous répondu ? Que des urnes, des vases, des lavacres, des boucliers, des casques dorés, des coiffures de têtes élégantes pourraient bien être un reflet des beaux-arts perfectionnés. C’est quelque chose que cet aveu. Mais pour que l’absurde comparaison des magots de la Chine avec le goût antique fût moins choquante, qu’avez-vous fait ? Vous avez appauvri ma description des objets

  1. « Vous parlez d’après une description qui vous dit : Ce tableau représente la prise de Troie. C’est le poëte Simonides, d’accord avec le peintre, qui l’a écrit au bas. Ces gens-là savaient au moins le sujet représenté : ils l’avaient vu. Mais Denis Diderot soutient que le peintre n’a pas su ce qu’il peignait, ni le poëte ce qu’il écrivait. Vous ne voulez pas non plus croire Pausanias qui vous dit : Un mur sépare cette scène d’avec une autre qui représente le départ des Grecs après la prise de Troie*. Pausanias se trompe. Eh ! s’il se trompe, comment osez-vous suivre un guide infidèle ? Comment osez-vous croire qu’il vous indique mieux les différents objets et les actions des différents personnages ? »
    * Pausanias ne dit pas qu’un mur sépare cette scène d’avec une autre ; mais bien : À partir de là, le reste ne paraît avoir aucun rapport avec la mer. Voici sa phrase : τὸ δέ ἐντεῦθεν οὐκέτι ἔοικεν θάλασσα.