Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/259

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qu’on dit ; mais ce fripon-là a une collection de beaux cuivres. Il propose de la vendre en entier, sans en excepter les ports de mer gravés conjointement avec Cochin. En conséquence, nous avons envoyé à Sa Majesté Impériale deux volumes d’épreuves sur lesquelles vous serez apparemment consulté. Il est impossible qu’il y ait jamais en Russie un assez grand nombre de tableaux pour inspirer le vrai goût de l’art. Il me semble que c’est à la gravure à suppléer à cette indigence. Le graveur est une espèce d’apôtre ou de missionnaire. On lit les traductions, quand on n’a pas les originaux. Item, Le Bas s’offre à faire passer en Russie l’imprimeur en taille-douce avec ses ouvriers et ses outils. Quant à l’acquisition de son fonds, l’honnête Cochin empêcherait bien qu’il nous dupât. Réponse sur cet article, s’il vous plaît.

Vous connaissez l’immense et riche collection du vieux Cayeux[1]. Nous l’avons couchée en joue, mais infructueusement. Le bonhomme me dit : « Monsieur, je ne mets point de prix à mon bonheur. Quand vous auriez rempli ma chambre de louis, il n’y en aurait toujours qu’un. Celui-là vu, j’aurais vu tous les autres. Au lieu que sur mes soixante mille estampes, il n’y en a pas deux qui se ressemblent. » Que répondre à cela ? rien ; surtout quand un homme aime mieux boire de l’eau, manger des croûtes, et voir des estampes.

Il est venu à Cochin une idée que je vous communique. Il voudrait qu’on fît exécuter en grand, par nos meilleurs peintres, les principales actions du règne de Catherine, et qu’on mît ensuite ces tableaux en gravures. Voyez, réfléchissez à cela. La nation apprendrait ainsi à connaître l’art, et elle aurait en même temps sous les yeux les motifs de son amour et de sa vénération pour sa souveraine.

Je rêve s’il ne me reste plus rien à vous dire. Non, je crois ; si ce n’est que vous pourriez bien recevoir pour vos étrennes un petit volume de ma façon dont vous me direz franchement votre avis.

Le Greuze vient de faire un tour de force. Il s’est tout à coup élancé de la bambochade dans la grande peinture ; et avec succès, autant que je m’y connais. Imaginez le vieux Septime

  1. Cette collection fut vendue en 1769, après la mort de son possesseur.