Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/271

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recueillir avant la moisson. Garde ton ouvrage pour une meilleure chose que de te roidir contre l’envie et la calomnie ! Qui sait jusqu’où peuvent aller les peines que tu te susciterais à toi-même ? Est-ce que tu ne te connais pas ? Est-ce que tu ne te sais pas homme à envoyer faire foutre l’ouvrage et le pays au premier mot qui frapperait de travers ton oreille ? Est-ce que tu es bien sûr que ce mot ne te serait pas dit ? Mon ami, vous n’êtes guère sage. Je vous écris rarement, il est vrai, mais en revanche quand je m’y mets, je ne finis point, surtout quand je suis à mon aise, que je puis ouvrir mon cœur et que je suis sûr que mes lettres ne seront pas interceptées.

Je vous prie, mon ami, de présenter mon respect à M. le général Betzky.

Ne m’oubliez pas près de M. de Soltikoff, directeur de l’Académie. Dites-lui que je répondrai exactement à ses vues et qu’il aura des instructions fidèles sur les mœurs et les progrès de ses élèves, au moins tous les trois mois. Un projet que vous devriez favoriser auprès de l’impératrice, ce serait l’établissement de deux écoles russes, l’une à Paris, l’autre à Rome où les élèves passeraient en sortant de la première.

Je ne sais quel bavardage vous a fait votre cousine. Le prince de Galitzin en a très-honnêtement usé avec elle, et elle a touché son année. Je passerai un de ces matins chez de Lormes pour savoir ce que c’est que cette caisse de souliers mal faits qui vous ont été adressés.

J’espère que votre cheval se tiendra ferme sur ses deux pieds ; mais j’en connais ici plus d’un qui ne regretterait pas vingt louis pour qu’il se brisât à l’installation ; mais ils seraient au désespoir que vous fussiez dessous tant ils ont d’humanité.

Mais, bon ami, ne cherchez point à donner les raisons de la publicité différée de notre pour et contre, comme vous l’appelez. Le diable m’emporte s’il y en a aucune. Vous ne me connaissez guère. S’il y avait en votre faveur une objection insoluble et que je la susse, je ne balancerais pas à me la proposer sous votre nom. Le pis aller, cher frère, c’est qu’on dise que je plaide mal une cause honnête et que vous en plaidez bien une qui ne l’est guère… Vous ne voulez pas qu’il soit imprimé, n’est-il pas vrai ? Voilà votre question. Je veux qu’il soit imprimé, voilà