Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/291

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propos, de la fatigue d’un voyage, des incertitudes du succès, de la faiblesse de son sexe, pour suivre sous le pôle celui qu’elle aime. C’est une marque de tendresse qu’il est difficile d’acquitter.

Je ne sais si Mme Baurand est une mauvaise tête, une âme dépravée ; mais elle a des amis honnêtes, et ses amis sont d’ancienne date.

Lui, jaloux de votre souveraine ! et pourquoi ? plus la souveraine vous honorait de ses bontés, plus il vous était facile de le servir.

L’impératrice faire venir M. de la Rivière par ostentation ! C’est ce propos qui serait d’une vanité bien plate et bien ridicule ; mais est-ce à Paris, est-ce à Pétersbourg qu’on le lui a prêté ? À Paris, mon philosophe s’est renfermé dans son cabinet et s’est tu. À Pétersbourg, sous un ministre un peu violent, c’était à se faire envoyer à l’hôpital des fous, ou en Sibérie.

Nous voulions, nous, qu’il allât à Pétersbourg. Mais songez donc que son voyage était décidé, que j’ignorais qu’il y eût un M. de la Rivière au monde. Pour le ministre d’ici, j’ai bien de la peine à me persuader qu’il ait entamé cette affaire de son propre mouvement, sans y être autorisé. Il n’y a qu’un sot qui puisse se proposer d’emmaillotter des enfants de cette venue-là. Je ne parlerai point des grandes choses que l’impératrice exécute dans l’intérieur de ses États ; mais on ne va pas donner des leçons à celle qui sait dominer cinq ou six cours : la Prusse, la Suède, le Danemark, la Pologne. Jamais avant Catherine seconde aucun souverain des Russes n’a fait un aussi grand rôle en Europe.

Si ces fanatiques de Polonais n’y prennent garde, il pourrait bien ne rester que la mémoire des Palatins et des Starottes.

Appelé ou non appelé, M. de la Rivière part, il voyage à grands frais ; il séjourne à grands frais ; il est magnifiquement gratifié ; il coûte, en neuf ou dix mois, quinze, vingt, trente, quarante, cinquante mille roubles à l’impératrice. Que manquerait-il à l’apologie du ministère, s’il en avait besoin ?

Il est bien sûr que si je vais en Russie, et que l’impératrice soit à Moscou, je n’attendrai pas son retour à Pétersbourg. Il est bien sûr que si elle me demandait comment je me trouve des fatigues du voyage, je lui répondrais qu’il n’y a que le premier