Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/292

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pas qui coûte, et qu’il est bien loin pour m’en souvenir. Il est bien sûr que je serais moi, et que n’allant que reconnaître et admirer, quand j’aurais satisfait à ces deux sentiments, le reste serait comme il pourrait être. Mais, mon ami, laisse-moi me débarrasser d’une entreprise de vingt-cinq ans, qui ne souffre point d’interruption, et je pars.

Monsieur l’associé libre honoraire a préparé son remercîment à l’Académie. Vous en serez, s’il vous plaît, le lecteur, le commentateur, quand il vous sera parvenu.

M. Diderot a reçu le buste, les médailles d’or, et en a remercié.

Tout est à peu près en règle.

Je n’ai jamais rien vu qui m’ait autant surpris, autant touché que l’amitié de M. de la Fermière et de M. de Nicolaï. Pas la moindre prétention personnelle. L’un n’interrompant jamais l’autre ; bien mieux encore, pressé de se recommander ou de se faire valoir à son désavantage. Il est certain que ce sont d’honnêtes gens, d’un goût et d’une délicatesse de sentiment peu commune. Je ne sais lequel j’aurais aimé le plus. M. de la Fermière a du jugement, de la raison de la fermeté. M. de Nicolaï, lui, a reçu de la sensibilité et de la douceur. Ils ont tous deux de l’urbanité et des connaissances. Mais M. de la Fermière appartient à M. Panin et au grand-duc ; vous appartenez, vous, au général Betzky et à l’impératrice. Voilà des positions qui vous engagent réciproquement à la plus grande circonspection. Laissez subsister la glace, rompez-la, je n’ai rien à vous conseiller là-dessus. Mais, mon ami, prenez garde qu’on ne vous fasse parler l’un et l’autre. Les méchants ont tant de moyens de désunir les gens de bien, et celui de supposer des propos est un des plus usités et des plus sûrs.

Ah ! mademoiselle Victoire, si j’étais à côté de vous et à portée de juger par mes yeux des progrès que vous avez faits, comme je vous embrasserais ; en cédant, sans m’en apercevoir, à un sentiment fort doux (celui de l’amitié, sans doute), comme je croirais m’acquitter seulement de l’hommage dû au talent ! Courage, jeune amie, cherchez votre satisfaction en vous-même. Lorsque vous avez obtenu l’éloge de votre maître, tout est bien. Et que signifie l’approbation des autres, si celle-là vous manque ? Méritez les bienfaits de l’impératrice, méritez ses récompenses,