Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/309

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Votre billet du 29 me consola du peu de succès d’une négociation que les circonstances semblaient rendre infaillible.

La ville s’est récriée, les élèves ameutés ont menacé. L’Académie inclinait à les décimer ; mais il paraît que tout se calme et finira par rien. Ils auront fait une injustice à un de leurs élèves, et peut-être le malheur d’un autre à qui, pendant sept ans de suite, ses camarades jetteront au nez la honte de sa réception. Une circonstance que j’oubliais, c’est que peu s’en fallut que les élèves ne prissent Moitté par les oreilles, ne le missent à quatre pattes, et ne lui fissent faire le tour de la place, portant Millot sur son dos.

En attendant que Le Moyne m’envoie sa note sur M. de Villiers, il me prend envie de vous décrire le bas-relief de Millot. Le sujet était le triomphe de David, après la défaite de Goliath. À droite, ce sont deux énormes Philistins debout, bien consternés, bien humiliés, qu’un Israélite garrotte. Puis David conduit sur son char de triomphe par des femmes. Une embrasse ses genoux, une autre le couronne, d’autres l’aident à monter. Puis c’est le char attelé de deux chevaux qu’un Israélite retient par la bride. Tout à fait sur le devant, et au centre du tableau, un autre Israélite enfonçant une pique dans la tête de Goliath. Cette tête est effroyable, renversée, ses cheveux épars sur la terre. Au devant du char, les femmes d’Israël chantant, dansant, jouant, préludant des instruments. Parmi ces femmes, une espèce de bacchante, déployée avec une grâce et une légèreté charmante ; et tout à fait à la gauche, une autre conduisant par la main son enfant qui regarde la tête horrible avec une expression mêlée de terreur et de joie ; et puis, sur le fond, au loin, des bras en l’air, des têtes de peuple en acclamation. L’artiste a pressenti que ses concurrents prendraient le moment du triomphe. Il a choisi le précédent. C’est un reproche qu’ils lui ont fait, c’est-à-dire qu’ils l’ont blâmé d’avoir eu du génie. Ils ont encore attaqué l’idée du char qui n’est pas même une licence. Ils ont avoué que le bas-relief de Moitte ne valait ni celui-là, ni aucun des deux autres ; mais qu’ils lui connaissaient plus de talent. En ce cas il est inutile d’instituer un concours et des prix. Cochin, plus adroit, aime mieux dire que chacun a son goût et ses yeux, que le bas-relief de Moitte lui a paru le meilleur ; et les élèves lui répondent qu’il est sans invention, sans