Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/353

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des ponts et chaussées dans la généralité de Châlons, sous les ordres de M. de La Châtaigneraie[1], M. Le Gendre résida à Reims ; il y était encore en 1764, lors de l’inauguration de la statue de Louis XV, par Pigalle ; il est qualifié d’ingénieur dans les relations officielles et d’architecte sur la plaque commémorative ; mais cette sorte de confusion ne surprend pas quand on sait que jusqu’à la création régulière de l’École des ponts (1747) les fonctions d’ingénieur étaient exercées par des hommes ayant fait preuve de talent en architecture et, en général, dans la pratique des constructions. M. Le Gendre, sans doute en récompense des travaux exécutés à Reims, devint inspecteur général et fut envoyé à Caen. C’est là qu’il mourut en juillet 1770.

Ce mari jaloux et bourru, dont la mort fut une délivrance pour sa famille[2], était un fin amateur[3]. Il avait, en livres, toutes les bonnes éditions des classiques, les ouvrages de Buffon, de Duhamel du Monceau, l’Encyclopédie, l’Œuvre de Watteau, publié par M. de Jullienne, exemplaire « en très-grand papier », fait remarquer l’expert, et qui se vendait 280 livres ; ses tableaux étaient signés de Boucher, de Pater, de Lancret, de Paul Bril, de Vandermeulen ; ses dessins de Van Dyck, d’Albert Dürer, de Parrocel. Pigalle lui avait offert le modèle de son Louis XV à cheval, et l’Éducation de l’Amour par Mercure, « morceau presque unique, dont le moule n’existe plus », dit le catalogue et qui a échappé aux recherches de M. Tarbé ; Sigisbert Adam, la copie enterre cuite de l’Hermaphrodite, sur un piédestal de marbre blanc, Cochin un grand dessin représentant la place de Reims. Quant aux estampes encadrées, « il suffira de dire qu’elles sont toutes originales des plus grands maîtres et la plupart en anciennes épreuves ».

De Mme de Blacy, nous ne savons rien, sinon qu’elle devait être veuve alors, qu’elle avait un fils aux colonies[4] et une fille aveugle[5], et qu’elle demeurait rue Saint-Thomas-du-Louvre ; ce fut chez elle, assise à la petite table verte, que sa sœur inspira à Diderot un amour tel

  1. Renseignement communiqué par M. L. Emmery, inspecteur de l’École des ponts et chaussées.
  2. « M. Le Gendre n’est donc plus ! S’il avait voulu finir un an ou deux plus tôt, il aurait été plus regretté. » (15 juillet 1770.)
  3. Notice des livres, tableaux sculptures, dessins et estampes après le décès de M. Le Gendre, inspecteur général des ponts et chaussées, dont la vente se fera le lundi 5 décembre 1770 et jours suivants, en sa maison rue Sainte-Anne, proche la rue du Clos-Georgeot. Paris, Mérigot l’aîné, 1770, in-8, 20 p.
  4. Vallet de Fayolle, que Diderot appelle « son petit cousin » et dont il est question dans une lettre à l’abbé Le Monnier.
  5. Mlle Mélanie de Solignac, sur laquelle Diderot a recueilli de si curieux détails. Voir t. I, p. 334 et suiv.