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Entre nous (me disiez-vous), cela est vrai. J’ai gagné plus de 200,000 livres avec les libraires de l’Europe[1]… À propos, êtes-vous en voiture ? — Oui. — Où allez-vous ? — Rue Saint-Honoré. — Voulez-vous me jeter chez M. Le Pot d’Auteuil ? Je vais y placer quelques rouleaux de louis dont je suis chargé[2]. — Très-volontiers. » Je vous y conduisis. En courant les rues, vous me disiez : « L’impératrice de Russie est une grande princesse. Comme elle donne[3]  ! Mais si je n’avais pas dit que j’étais un misérable, on ne m’aurait pas payé 65,000 livres pour une bibliothèque qui valait tout au plus 2,000 écus… Les grands hommes ne font le bien que comme on a l’esprit de le leur faire faire. C’est un talent de savoir les tromper pour une si bonne fin. »


II


II. — EXTRAIT DES MÉLANGES DE D’ESCHERNY[4].

Diderot était à la tête des dîners philosophiques du baron d’Holbach, dont le baron lui-même faisait parfaitement les honneurs par son esprit, ses connaissances et ses saillies. D’Alembert présidait les dîners du mercredi de Mme Geoffrin ; c’est là où je l’ai vu pour la première fois en 1762. Mme Geoffrin a marqué dans le xviiie siècle par sa maison qui était devenue le point de réunion des étrangers distingués et

  1. Ceci se dit comme une confidence à l’oreille. (L. de B.)
  2. Ce fut le jour de Saint-André, 1769, que je conduisis M. Diderot chez ce notaire. (L. de B.)
  3. Il ne faut que connaître l’enthousiasme de M. Diderot pour deviner la manière dont ceci fut prononcé. (L. de B.)
  4. D’Escherny était un compatriote et un disciple de Rousseau. Il a longuement conté ses promenades et ses entretiens avec Jean-Jacques au tome III de ses Mélanges de littérature, d’histoire, etc. Bien que ce livre ait eu deux éditions, il est devenu fort rare ; c’eût été un motif suffisant pour lui emprunter les anecdotes qu’on va lire, si ce témoignage sympathique, venant d’un familier de Rousseau, n’eût pas suffi pour nous déterminer à cette citation.