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sans perdre de tems, de crainte que l’enfant ne soit suffoqué par l’action de l’orifice sur le cou, si cette partie restoit arrêtée trop long-tems au passage. Aussitôt que les épaules seront dehors, on coule les doigts sous les aisselles pour tirer le reste du corps.

Dès que l’enfant sera tiré, le Chirurgien le rangera de côté, lui tournant la face de façon qu’il ne puisse être incommodé, ou même étouffé par le sang & les eaux qui sortent immédiatement après, & qui tomberoient dans la bouche & dans le nez du nouveau né s’il étoit couché sur le dos.

Après avoir mis l’enfant dans une position où l’on ne puisse pas craindre ces inconvéniens, on fait deux ligatures au cordon ombilical avec un fil ciré en plusieurs doubles : ces ligatures se font à quatre travers de doigt de distance, & le plus proche de l’enfant, à peu près à cet intervalle de son nombril. On coupe le cordon avec des ciseaux ou avec un bistouri entre les deux ligatures, dont l’effet est d’empêcher que la mere ne perde du sang par la veine ombilicale qui le porte à l’enfant, & que l’enfant ne souffre point de l’hémorrhagie des arteres ombilicales qui reportent le sang de l’enfant au placenta.

On entortille alors l’extrémité du cordon qui sort de la matrice autour de deux doigts, & on le tire doucement après avoir donné de légeres secousses en tous sens pour décoller le placenta, dont la sortie est l’effet de la contraction de la matrice déterminée encore par quelques douleurs. Ce viscere tend à se débarrasser de l’arriere-faix qui deviendroit corps étranger. On doit considérer la sortie du placenta comme un second accouchement. Lorsque le cordon ombilical est rompu, ou lorsque le placenta résiste un peu trop à sa séparation de l’intérieur de la matrice, il faut que le Chirurgien y porte la main promptement tandis que l’orifice est encore béant : le délai deviendroit par le resserrement de l’orifice un grand obstacle à l’introduction de la main. Si dans le second cas que nous venons d’exposer on ne portoit pas la main dans la matrice pour en détacher le placenta, & qu’on s’obstinât à vouloir tirer par le cordon, on pourroit occasionner le renversement de la matrice dont nous parlerons en son lieu. Il faut de même porter la main dans la matrice, lorsqu’après avoir tiré le placenta on s’apperçoit qu’il n’est pas dans son entier. On débarrasse en même tems dans toutes ces occasions la cavité de cet organe des caillots de sang qui pourroient s’y trouver.

Si après avoir tiré l’enfant on reconnoissoit que le ventre ne se fût point affaissé, comme il le fait ordinairement, & que les douleurs continuassent assez vivement, il faudroit avant que de faire des tentatives pour avoir le placenta, reporter la main dans la matrice. Il y a presque toûjours dans cette circonstance un second enfant dont il faudroit accoucher de nouveau la femme, après avoir rompu les membranes qui enveloppent le second enfant ; & il ne faudroit délivrer la mere du placenta du premier enfant qu’après le second accouchement, parce que les arrierefaix pouvant être collés l’un à l’autre, on ne pourroit en arracher un sans décoller l’autre, ce qui donneroit lieu à une perte de sang qui pourroit causer la mort à l’enfant qui resteroit, & même être préjudiciable à la mere.

Si un enfant avoit beaucoup souffert au passage, s’il étoit froissé & contus, comme cela arrive dans les accouchemens laborieux, on pourroit couper le cordon ombilical après avoir fait une seule ligature, & tiré quelques cuillerées de sang par le bout du cordon qui tient à l’enfant avant que de le lier : cette saignée rempliroit l’indication que demande un pareil état.

L’accouchement où l’enfant présente les piés pourroit à la rigueur passer pour naturel, puisqu’il sort faci-

lement de cette façon par l’aide d’un Accoucheur,

& que c’est ainsi qu’il faut terminer les accouchemens laborieux dans lesquels les enfans présentent quelques autres parties, à moins que ce ne soient les fesses, l’enfant pouvant alors être tiré en double.

Lorsqu’on a été obligé d’aller chercher les piés de l’enfant, on les amene à l’orifice de la matrice : si l’on n’en a pû saisir qu’un, l’autre ne fait point d’obstacle ; il faut tirer celui qu’on tient jusqu’à ce qu’on puisse dégager l’autre cuisse. Lorsque l’enfant a la poitrine dans l’orifice de la matrice, il faut ; sans cesser de tirer, donner un demi tour si les doigts des piés regardoient l’os pubis, afin de retourner l’enfant dont le menton pourroit s’accrocher à ces os si l’on continuoit de le tirer dans cette premiere situation.

Un accouchement naturel par rapport à la bonne situation de l’enfant, peut être difficile lorsque la femme n’aura point été aidée à propos, qu’il y aura long-tems que les eaux se seront écoulées, & que les douleurs deviendront languissantes, ou même cesseront tout-à-fait. On peut bien remédier en quelque sorte à la secheresse de l’accouchement, en exposant la femme à la vapeur de l’eau tiede qui relâche les parties : mais rien ne supplée au défaut des douleurs : les lavemens acres que quelques Auteurs conseillent peuvent irriter le rectum & la matrice par communication ; mais cela peut être infructueux & nuisible : le plus court dans ces conjonctures est de se servir du tire-tête, dont nous parlerons au mot Forceps.

Lorsque le fœtus est mort, & qu’on ne peut pas l’avoir par l’instrument dont nous venons de parler, on est contraint de se servir des moyens extrèmes, & de dépecer l’enfant avec les crochets, pour délivrer la mere de ce fruit infortuné. Voyez Crochet.

Si toutes choses bien disposées d’ailleurs, il y a une impossibilité physique de tirer l’enfant en vie par les voies ordinaires, en consequence de la mauvaise conformation des os du bassin de la mere, &c. il faut faire l’opération césarienne. V. Césarienne.

Mais la nature tend trop efficacement à la conservation des especes pour avoir rendu les accouchemens laborieux les plus fréquens. Au contraire, il arrive quelquefois que le fœtus sort de la matrice sans déchirer les membranes qui l’enveloppent, & par conséquent sans que la liqueur qu’elles contiennent se soit écoulée : cet accouchement paroit être le plus naturel, & ressemble à celui de presque tous les animaux : cependant le fœtus humain perce ordinairement ses membranes à l’endroit qui se trouve sur l’orifice de la matrice, par l’effort qu’il fait contre cette ouverture ; & il arrive assez souvent que l’amnios, qui est fort mince, ou même le chorion, se déchirent sur les bords de l’orifice de la matrice, & qu’il en reste une partie sur la tête de l’enfant en forme de calote ; c’est ce qu’on appelle naitre coeffé. Dès que cette membrane est percée ou déchirée, la liqueur qu’elle contient s’écoule : on appelle cet écoulement le bain ou les eaux de la mere : les bords de l’orifice de la matrice & les parois du vagin en étant humectés, se prêtent plus facilement au passage de l’enfant. Après l’écoulement de cette liqueur, il reste dans la capacité de la matrice un vuide dont les Accoucheurs intelligens savent profiter pour retourner le fœtus, s’il est dans une position desavantageuse pour l’accouchement, ou pour le débarrasser des entraves du cordon ombilical qui l’empêchent quelquefois d’avancer. M. de Buffon, Hist. nat.

Pour que l’Accouchement soit naturel, il faut, selon les Medecins, trois conditions : la premiere, que la mere & l’enfant fassent réciproquement leurs efforts, la mere pour mettre au monde l’enfant, & l’enfant pour sortir du ventre de sa mere. La seconde, que l’enfant vienne au monde la tête la premiere,