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vient ; les manieres engagent. Tel vous déplaît & vous éloigne par son air, qui vous retient & vous charme ensuite par ses manieres. On se donne un air ; on affecte des manieres. On compose son air ; on étudie ses manieres. Voyez les Synonymes François. On ne peut être un fat sans savoir se donner un air & affecter des manieres ; pas même peut-être un bon Comédien. Si l’on ne sait composer son air & étudier ses manieres, on est un mauvais courtisan ; & l’on doit s’éloigner de tous les états où l’on est obligé de paroître différent de ce qu’on est.

Air se dit en Peinture de l’impression que fait un tableau, à la vûe duquel on semble réellement respirer l’air qui regne dans la nature suivant les différentes heures du jour : frais, si c’est un soleil levant qu’il représente ; chaud, si c’est un couchant. On dit encore qu’il y a de l’air dans un tableau, pour exprimer que la couleur du fond & des objets y est diminuée selon les divers degrés de leur éloignement : cette diminution s’appelle la perspective aërienne. On dit aussi air de tête : tel fait de beaux airs de tête. On dit encore attraper, saisir l’air d’un visage, c’est-à-dire le faire parfaitement ressembler. En ce cas l’air sembleroit moins dépendre de la configuration des parties, que de ce qu’on pourroit appeller le geste du visage. (R)

Air en Musique, est proprement le chant qu’on adapte aux paroles d’une chanson ou d’une petite piece de Poësie propre à être chantée ; & par extension on appelle air la chanson même. Dans les Opéra on donne le nom d’airs à tous les morceaux de musique mesurés, pour les distinguer du récitatif qui ne l’est pas ; & généralement on appelle air tout morceau de musique, soit vocale, soit instrumentale, qui a son commencement & sa fin. Si le sujet est divise entre deux parties, l’air s’appelle duo, si entre trois, trio, &c.

Saumaise croit que ce mot vient du Latin œra ; & M. Burette est de son opinion, quoique Menage combatte ce sentiment dans son étymologie de la langue Françoise.

Les Romains avoient leurs signes pour le rythme, ainsi que les Grecs avoient les leurs ; & ces signes, tirés aussi de leurs caracteres numériques, se nommoient non-seulement numerus, mais encore œra, c’est-à-dire nombre, ou la marque du nombre ; numeri nota, dit Nonius Marcellus. C’est en ce sens qu’il se trouve employé dans ce vers de Lucile :

Hæc est ratio ? perversa œra ? summa subducta improbè ?

Et Sextus Rusus s’en est servi de même. Or quoique ce mot œra ne se prît originairement parmi les Musiciens que pour le nombre ou la mesure du chant, dans la suite on en fit le même usage qu’on avoit fait du mot numerus ; & l’on se servoit d’œra pour désigner le chant même : d’où est venu le mot François air, & l’Italien aria pris dans le même sens.

Les Grecs avoient plusieurs sortes d’airs qu’ils appelloient nomes, qui avoient chacun leur caractere, & dont plusieurs étoient propres à quelques instrumens particuliers, à peu près comme ce que nous appellons aujourd’hui pieces ou sonates.

La musique moderne a diverses especes d’airs qui conviennent chacune à quelque espece de danse dont ils portent le nom. Voyez Menuet, Gavotte, Musette, Passepié, Chanson, &c. (S)

Air, (Jardinage.) On dit d’un arbre qu’il est planté en plein vent ou en plein air, ce qui est synonyme. Voyez Air. (K)

Air, en Fauconnerie ; on dit l’oiseau prend l’air, c’est-à-dire, qu’il s’éleve beaucoup.

* Air ou Ayr, (Géog.) ville d’Ecosse à l’embou-

chure de la riviere de son nom. Long. 14. 40. lat. 56. 22.

AIRAIN ou CUIVRE JAUNE, s. m. (Chim.) c’est un métal factice composé de cuivre fondu avec la pierre de calamine qui lui communique la dureté & la couleur jaune. Voyez Métal, Cuivre.

On dit que les Allemands ont possédé long-tems le secret de faire ce métal. Voici présentement comment on le prépare. On mêle avec du charbon de terre de la pierre calamine calcinée & réduite en poudre : on incorpore ces deux substances en une seule masse par le moyen de l’eau ; ensuite quand cela est ainsi préparé, on met environ sept livres de calamine dans un vase à fondre qui doit contenir environ quatre pintes, & on y joint à peu près cinq livres de cuivre : on met le vase dans une fournaise à vent de huit piés de profondeur, & on l’y laisse environ onze heures, au bout duquel tems l’airain est formé. Quand il est fondu, on le jette en masses ou en bandes. Quarante-cinq livres de calamine crue, trente livres étant brûlée ou calcinée, & soixante livres de cuivre, font avec la calamine cent livres d’airain. Du tems d’Erker, fameux Métallurgiste, soixante & quatre livres de cuivre ne donnoient par le moyen de la calamine, que quatre-vingts-dix livres d’airain.

Airain qui autrefois ne signifioit que le cuivre, & dont on se sert présentement plus particulierement pour signifier le cuivre jaune, se dit encore du métal dont on fait des cloches, & qu’on nomme aussi bronze. Ce métal se fait le plus communément avec dix parties de cuivre rouge & une partie d’étain ; on y ajoûte aussi un peu de zinc.

L’airain de Corinthe a eu beaucoup de réputation parmi les Anciens. Le consul Mummius ayant saccagé & brûlé Corinthe 146 ans avant J. C. on dit que ce précieux métal fut formé de la prodigieuse quantité d’or, d’argent & de cuivre dont cette ville étoit remplie, & qui se fondirent ensemble dans cet incendie. Les statues, les vases, &c. qui étoient faits de ce métal, étoient d’un prix inestimable. Ceux qui entrent dans un plus grand détail, le distinguent en trois sortes : l’or étoit le métal dominant de la premiere espece ; l’argent de la seconde ; & dans la troisieme, l’or, l’argent & le cuivre, étoient en égale quantité.

Il y a pourtant une difficulté au sujet du cuivre de Corinthe ; c’est que quelques Auteurs disent que ce métal étoit fort recherché avant le sac de Corinthe par les Romains, ce qui prouveroit que le cuivre de Corinthe n’étoit point le produit des métaux fondus confusément dans l’incendie de cette ville, & que les Corinthiens avoient possédé particulierement l’art de composer un métal où le cuivre dominoit, & qu’on nommoit pour cela cuivre de Corinthe. V. Cuivre.

L’airain ou cuivre jaune est moins sujet à verdir que le cuivre rouge : il est aussi plus dur, c’est de tous les métaux le plus dur : c’est ce qui a fait qu’on s’en est servi pour exprimer la dureté ; on dit un siecle d’airain, un front d’airain, &c. Les limes qui ne peuvent plus servir à l’airain sont encore bonnes pour limer le fer ; ce qui prouve que le fer est moins dur que l’airain. (M)

AIRE, area, s. f. Une aire est proprement une surface plane sur laquelle on marche. Voyez Plan.

Le mot Latin area, d’où vient aire, signifie proprement le lieu où l’on bat le blé ; il est dérivé de arere, être sec.

Aire, en Géometrie, est la surface d’une figure rectiligne, curviligne ou mixtiligne, c’est-à-dire l’espace que cette figure renferme. Voyez Surface, Figure, &c.

Si une aire, par exemple un champ, a la figure d’un quarré dont le côté soit de 40 piés, cette aire