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voulez, un peu plus de longueur à celles du mûrier & de l’amandier ; en général aux racines de tout arbre qui les aura ou fort molles ou fort seches. Deux, trois, ou quatre pouces de longueur suffiront aux racines moins importantes que les racines maîtresses. C’est assez d’un seul étage de racines, sur-tout si elles sont bien placées. Des racines sont bien placées, quand elles se distribuent du pié circulairement, & laissant entr’elles à peu près des intervalles égaux, ensorte que les arbres se tiendroient droits sans être plantés, sur-tout pour ceux qui sont destinés au plein vent ; cette condition n’est pas nécessaire pour les autres. Ce que nous venons de dire du choix & de la préparation se réduit à un petit nombre de regles si simples, que celui qui les aura mises en pratique quelquefois sera aussi avancé que le jardinier le plus expérimenté.

3°. De la maniere de planter les arbres. Commencez par préparer la terre : faites-y des trous plus ou moins grands, selon qu’elle est plus ou moins seche. Ils ont ordinairement six piés en quarré dans les meilleurs fonds ; deux piés de profondeur suffisent pour les poiriers. Séparez la mauvaise terre de la bonne, & ne laissez que celle-ci. Il est très-avantageux de laisser le trou ouvert pendant plusieurs mois. Labourez le fond du trou : remettez-y d’excellente terre à la hauteur d’un pié, & par-dessus cette terre, une couche d’un demi-pié de fumier bien pourri : mêlez la terre & le fumier par deux autres labours : remettez ensuite un second lit de bonne terre, un second lit de fumier, & continuez ainsi, observant à chaque fois de mêler la terre & le fumier par des labours.

Si la terre est humide & n’a pas grand fond, on n’y fera point de trou ; c’est assez de l’engraisser & de la labourer. Après cette façon on y placera les arbres sans les enfoncer, & l’on recouvrira les racines à la hauteur d’un pié & demi & à la distance de quatre à cinq en tous sens avec de la terre de gason bien hachée ; enfoncez votre arbre plus avant, si votre sol est sec & sablonneux ; si vous appliquez un espalier à un mur, que votre trou soit de huit piés de large sur trois de profondeur & à un demi-pié du mur ; retenez bien encore les regles suivantes. Le tems de planter est, comme l’on sait, depuis la fin d’Octobre jusqu’à la mi-Mars ; dans cet intervalle choisissez un jour sec & doux ; plantez volontiers dès la saint Martin dans les terres seches & légeres ; attendez Février & ne plantez que sur la fin de ce mois, si vos terres sont froides & humides ; laissez entre vos arbres, soit espaliers, soit buissons, soit arbres de tige, la distance convenable ; réglez à chaque espece son canton, & dans ce canton la place à chacun en particulier ; disposez vos trous au cordeau ; faites porter chaque arbre près de son trou ; plantez d’abord ceux des angles afin qu’ils vous servent d’alignement ; passez ensuite à ceux d’une même rangée ; qu’un ouvrier s’occupe à couvrir les racines à mesure que vous planterez ; plantez haut & droit ; n’oubliez pas de tourner les racines vers la bonne terre ; si vous plantez au bord d’une allée, que vos principales racines regardent le côté opposé ; quand vos arbres seront plantés, faites mettre deux ou trois pouces de fumier sur chaque pié ; recouvrez ce lit d’un peu de terre. Au défaut de fumier, servez-vous de méchantes herbes arrachées. Si la saison est seche pendant les premiers mois d’Avril, de Mai & Juin, on donnera tous les quinze jours une cruchée d’eau à chaque pié, & afin que le pié profite de cette eau, on pratiquera à l’entour un sillon qui la retienne. Vous aurez l’attention de faire trépigner la terre de vos petits arbres ; vos espaliers auront la tête penchée vers la muraille ; quant à la distance, c’est à la qualité de la terre à la déterminer ; on laisse depuis cinq à six piés jusqu’à dix, onze,

douze entre les espaliers ; depuis huit à neuf jusqu’à douze entre les buissons, & depuis quatre toises jusqu’à sept à huit entre les grands arbres. Il faut dans les bonnes terres, laisser plus d’espace entre les arbres que dans les mauvaises, parce que les têtes prennent plus d’étendue. Les arbres qui jettent plus de bois, comme les pêchers, les poiriers & les abricotiers, demandent aussi plus d’espace. Si on cultive la terre qui est entre les arbres, on éloignera les arbres les uns des autres de huit à dix toises, sut-tout si ce sont des poiriers ou des pommiers ; si on ne la cultive pas, quatre à cinq toises en tous sens suffiront à chaque arbre. Laissez trois toises ou environ entre les fruitiers à noyau, soit en tige, soit en buisson, sur-tout si ce sont des cerisiers & des bigarotiers plantés sur merisiers ; s’ils ont été greffés sur d’autres cerisiers de racine, ne les espacez qu’à douze ou quinze piés ; les poiriers sur coignassiers plantés en buisson, se disposent de douze en douze piés, à moins que les terres ne soient très-humides, dans ce cas on les éloigne de quinze en quinze piés ; il faut donner dix-huit piés aux poiriers & pommiers entés sur le franc & plantés dans des terres légeres & sablonneuses ; vous leur en donnerez vingt-quatre dans les terres grasses & humides ; c’est assez de neuf piés pour les pommiers entés sur paradis, si l’on en fait un plan de plusieurs allées ; c’est trop si on n’en a qu’une seule rangée, il ne leur faut alors que six piés ; donnez aux pêchers, abricotiers & pruniers en espalier quinze piés dans les terres légeres, dix-huit piés dans les terres fortes ; aux poiriers en espalier huit ou dix piés, selon la terre. Ne mettez jamais en contre-espaliers ni bergamotes, ni bons-chrétiens, ni petit muscat ; on peut mêler des pêchers de quatre piés de tige ou environ de quinze en quinze piés, aux muscats mis en espalier : mais que les pêchers que vous entremêlerez ainsi soient plantés sur d’autres pêchers ; on peut se servir en même cas de poiriers greffés sur coignassiers, pourvû qu’ils ayent quatre piés de tige. Les châtaigniers, les noyers, les pommiers & les poiriers, mis en avenues, en allées & en routes, demandent une distance de quatre, cinq ou six toises, selon la terre ; les ormes & les tilleuls deux ou trois toises ; les chênes & les hêtres neuf à dix piés ; les pins & les sapins quatre à cinq toises. Quant aux expositions, nous observerons, en général, que la plus favorable dans notre climat est le midi, & la plus mauvaise le nord ; que dans les terres chaudes le levant n’est guere moins bon que le midi ; enfin que le couchant n’est pas mauvais pour les pêches, les prunes, les poires, &c. mais qu’il ne vaut rien pour les muscats, les chasselats & la vigne.

4°. De la multiplication des arbres, & de leur taille. Nous renvoyons le détail de ces deux articles, l’un à l’article Taille ; l’autre aux articles Plante, Végétation, Végétal, & même à l’article Animal, où l’on trouvera quelques observations relatives à ce sujet. Voyez aussi les articles Greffe, Marcotte, Bourgeon, Pincer, Pincement, &c.

5°. De l’entretien des arbres. Otez aux vieux arbres les vieilles écorces jusqu’au vif, avec la serpe ou une bêche bien tranchante ; déchargez-les du trop de bois vers le milieu de Février ; coupez leur la tête à un pié au-dessus des fourches pour les rajeunir ; faites-en autant à vos espaliers, contre-espaliers & buissons sur coignassier & sur franc. Quand ils sont vieux ou malades, ce que vous reconnoîtrez à la couleur jaune de la feuille ; faites-leur un cataplasme de forte terre, de crotin de cheval ou de bouse de vache bien liés ensemble. Quand on coupe des branches, il faut toûjours les couper près du corps de l’arbre. Pour cet effet ayez un fermoir, voyez Fermoir. Il y en a qui sur les greffes en fentes & sur les plaies des arbres, aiment mieux appliquer un mêlan-