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par les particules salines ; de sorte qu’elles se précipitent dans les pores des parties salines, séparent ces parties, & dissolvent le sel. Voyez Sel.

XVIII. Si les corpuscules sont plus attirés par les parties du fluide qu’ils ne s’attirent les uns les autres, ces corpuscules doivent s’éloigner les uns des autres, & se répandre çà & là dans le fluide.

Par exemple, si on dissout un peu de sel dans une grande quantité d’eau, les particules du sel, quoique d’une pesanteur spécifique plus grande que celle de l’eau, se répandront & se disperseront dans toute la masse de l’eau, de maniere que l’eau sera aussi salée au fond, qu’à sa partie supérieure. Cela ne prouve-t-il pas que les parties du sel ont une force centrifuge ou répulsive, par laquelle elles tendent à s’éloigner les unes des autres ; ou plûtôt qu’elles sont attirées par l’eau plus fortement qu’elles ne s’attirent les unes les autres ? En effet, comme tout corps monte dans l’eau, lorsqu’il est moins attiré par la gravité terrestre que les parties de l’eau, de même toutes les parties de sel qui flottent dans l’eau, & qui sont moins attirées par une partie quelconque de sel que les parties de l’eau ne le sont ; toutes ces parties, dis-je, doivent s’éloigner de la partie de sel dont il s’agit, & laisser leur place à l’eau qui en est plus attirée. Newton, Opt. p. 363.

XIX. Si des corpuscules qui nagent dans un fluide tendent les uns vers les autres, & que ces corpuscules soient élastiques, ils doivent après s’être rencontrés s’éloigner de nouveau, jusqu’à ce qu’ils rencontrent d’autres corpuscules qui les réfléchissent ; ce qui doit produire une grande quantité d’impulsions, de répercussions, & pour ainsi dire de conflits entre ces corpuscules. Or en vertu de la force attractive, la vîtesse de ces corps augmentera continuellement ; de maniere que le mouvement intestin des particules deviendra enfin sensible aux yeux. V. Mouvement intestin.

De plus, ces mouvemens seront différens, & seront plus ou moins sensibles & plus ou moins prompts, selon que les corpuscules s’attireront l’un l’autre avec plus ou moins de force, & que leur élasticité sera plus ou moins grande.

XX. Si des corpuscules qui s’attirent l’un l’autre viennent à se toucher mutuellement, ils n’auront plus de mouvement, parce qu’ils ne peuvent s’approcher de plus près. S’ils sont placés à une très-petite distance l’un de l’autre, ils se mouvront : mais si on les place à une distance plus grande, de maniere que la force avec laquelle ils s’attirent l’un l’autre, ne surpasse point la force avec laquelle ils attirent les particules intermédiaires du fluide ; alors ils n’auront plus de mouvement.

De ce principe dépend l’explication de tous les phénomenes de la fermentation & de l’ébullition. V. Fermentation & Ebullition.

Ainsi on peut expliquer par-là pourquoi l’huile de vitriol fermente & s’échauffe quand on verse un peu d’eau dessus ; car les particules salines qui se touchoient sont un peu desunies par l’effusion de l’eau : or comme ces particules s’attirent l’une l’autre plus fortement qu’elles n’attirent les particules de l’eau, & qu’elles ne sont pas également attirées en tout sens, elles doivent nécessairement se mouvoir & fermenter. Voyez Vitriol.

C’est aussi pour cette raison qu’il se fait une si violente ébullition, lorsqu’on ajoûte à ce mélange, de la limaille d’acier ; car les particules de l’acier sont fort élastiques, & par conséquent sont réfléchies avec beaucoup de force.

On voit aussi pourquoi certains menstrues agissent plus fortement, & dissolvent plus promptement le corps lorsque ces menstrues ont été mêlés avec l’eau. Cela s’observe lorsqu’on verse sur le plomb ou sur

quelques autres métaux de l’huile de vitriol, de l’eau-forte, de l’esprit de nitre, rectifiés ; car ces métaux ne se dissoudront qu’après qu’on y aura versé de l’eau.

XXI. Si les corpuscules qui s’attirent mutuellement l’un l’autre n’ont point de force élastique, ils ne seront point réfléchis : mais ils se joindront en petites masses, d’où naîtra la coagulation.

Si la pesanteur des particules ainsi réunies surpasse la pesanteur du fluide, la précipitation s’en suivra. Voyez Précipitation.

XXII. Si des corpuscules nageant dans un fluide s’attirent mutuellement, & si la figure de ces corpuscules est telle, que quelques-unes de leurs parties ayent plus de force attractive que les autres, & que le contact soit aussi plus fort dans certaines parties que dans d’autres, ces corpuscules s’uniront en prenant de certaines figures ; ce qui produira la crystallisation. Voyez Crystallisation.

Des corpuscules qui sont plongés dans un fluide dont les parties ont un mouvement progressif égal & uniforme, s’attirent mutuellement de la même maniere que si le fluide étoit en repos : mais si toutes les parties du fluide ne se meuvent point également, l’attraction des corpuscules ne sera plus la même.

C’est pour cette raison que les sels ne se crystallisent point, à moins que l’eau où on les met ne soit froide.

XXIII. Si entre deux particules de fluide se trouve placé un corpuscule, dont les deux côtés opposés ayent une grande force attractive, ce corpuscule forcera les particules du fluide de s’unir & de se conglutiner avec lui ; & s’il y a plusieurs corpuscules de cette sorte répandus dans le fluide, ils fixeront toutes les particules du fluide, & en feront un corps solide, & le fluide sera gelé ou changé en glace. Voyez Glace.

XXIV. Si un corps envoye hors de lui une grande quantité de corpuscules dont l’attraction soit très forte, ces corpuscules lorsqu’ils approcheront d’un corps fort léger, surmonteront par leur attraction la pesanteur de ce corps, & l’attireront à eux ; & comme les corpuscules sont en plus grande abondance à de petites distances du corps, qu’à de plus grandes, le corps léger sera continuellement tiré vers l’endroit où l’émanation est la plus dense ; jusqu’à ce qu’enfin il vienne s’attacher au corps même d’où les émanations partent. Voyez Émanation.

Par-là on peut expliquer plusieurs phénomenes de l’électricité. Voyez Électricité.

Nous avons crû devoir rapporter ici ces différens théorèmes sur l’attraction, pour faire voir comment on a tâché d’expliquer à l’aide de ce principe plusieurs phénomenes de Chimie : nous ne prétendons point cependant garantir aucune de ces explications ; & nous avouerons même que la plûpart d’entre elles ne paroissent point avoir cette précision & cette clarté qui est nécessaire dans l’exposition des causes des phénomenes de la nature. Il est pourtant permis de croire que l’attraction peut avoir beaucoup de part aux effets dont il s’agit ; & la maniere dont on croit qu’elle peut y satisfaire, est encore moins vague que celle dont on prétend les expliquer dans d’autres systèmes. Quoi qu’il en soit, le parti le plus sage est sans doute de suspendre encore son jugement sur ces choses de détail, jusqu’à ce que nous ayons une connoissance plus parfaite des corps & de leurs propriétés.

Voici donc, pour satisfaire à ce que nous avons promis au commencement de cet article, ce qu’il nous semble qu’on doit penser sur l’attraction.

Tous les Philosophes conviennent qu’il y a une force qui fait tendre les planetes premieres vers le soleil, & les planetes secondaires vers leurs planetes principales. Comme il ne faut point multiplier les principes sans nécessité, & que l’impulsion est le prin-