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point ses charmes, ne contribuent point à son bonheur, & qui bien-tôt ne lui rapporteront que du ridicule. (D. J.)

Mignardise, (Jardinage.) est une espece d’œillet sauvage, dont les feuilles petites & découpées en maniere de frange, & de couleur blanche ou incarnate, lui ont fait donner le nom d’œillet frangé, ou de mignardise, qui fleurit l’été. On l’appelle encore effilé ou regonce.

Il y en a de double, de simple. La mignardise est facile à cultiver ; elle pousse de ses feuilles quantité de petites tiges foibles, dont les fleurs sont assez ressemblantes aux œillets.

MIGNON, s. m. (Gramm. franç.) Ce mot s’emploie seulement dans les conversations familieres, pour exprimer, comme les Italiens, par leur mignone, une personne aimée ; chérie, favorisée plus que les autres. Rhédi prétend que les François ont porté ce mot mignon en Toscane, qu’ils l’ont pris de l’allemand minuen, aimer ; & que c’est de la même source que sont nés les mots mignard, mignarder, menin. Sous le regne d’Henri III. le terme mignon devint fort commun, & désignoit en particulier les favoris de ce prince.

Quélus & saint Mégrin, Joyeuse & d’Epernon,
Jeunes voluptueux qui régnoient sous son nom.

On lit dans les mémoires pour servir à l’histoire de France, imprimés a Cologne en 1719, que « ce fut en 1516 que le nom mignons commença à trotter par la bouche du peuple, à qui ils étoient fort odieux, tant pour leurs façons de faire badines & hautaines, que pour leurs accoutremens efféminés, & les dons immenses qu’ils recevoient du roi. Ces beaux mignons portoient des cheveux longuets, frisés & refrisés, remontant par-dessus leurs petits bonnets de velours, comme chez les femmes, & leurs fraises de chemises de toile d’atour, empesées & longues d’un demi-pié, de façon qu’à voir leurs têtes dessus leurs fraises, il sembloit que ce fût le chef de saint Jean dans un plat ». (D. J.)

MIGNONE, s. f. (Fondeur de caracteres d’Imprimerie.) troisieme corps des caracteres d’Imprimerie. Sa proportion est d’une ligne & un point, mesure de l’échelle, son corps double est le saint augustin. Voyez Proportions des caracteres d’imprimerie, & exemple à l’article Caracteres.

La mignone peut être regardée comme un entrecorps, ainsi que la gaillarde & la philosophie, parce que d’un corps à l’autre il doit y avoir deux points de différence, & qu’à ceux-ci il n’y en a qu’un ; ce qui fait qu’on emploie ordinairement l’œil du petit texte sur le corps de mignone, n’y ayant qu’une légere différence de corps & d’œil. Cela sert à faire entrer plus de lignes dans une page, qu’il n en seroit entré si l’œil de petit texte avoit été fondu sur son corps naturel, & ainsi de la gaillarde & de la philosophie. Voyez Corps, Œil.

MIGNONETTE, s. f. (Comm.) petite dentelle qui n’est à proprement parler qu’un réseau fin, où l’on a conduit un ou plusieurs gros fils qui forment des ramages, fleurs, ou autres figures.

MIGONIUM, (Géog. anc.) contrée de la Laconie, qui avoit à son opposite l’île de Cranaé, située pareillement en Laconie, & que Strabon a confondue avec celle de Cranaé dans l’Attique ; mais Paris étoit trop amoureux d’Hélene, & trop aimé d’elle, pour n’avoir pas commencé à contenter les ardeurs de sa flamme dans le voisinage de Lacédémone : c’est-là, en effet, que cet heureux amant fit-bâtir après sa conquête un temple à Vénus, pour lui marquer les transports de sa reconnoissance. Il surnomma cette Vénus Migonitis, & son territoire Migonium, d’un mot qui signifioit l’amoureux mystere qui s’y

étoit passé. Ménélas, le malheureux époux de cette princesse, dix-huit ans après qu’on la lui eut enlevée, vint visiter ce temple, dont le terrein avoit été le témoin de l’infidélité de sa femme. Il ne le ruina point cependant, il y fit mettre seulement aux deux côtés les images de deux autres déesses, celle de Thétis & celle de Praxidicé, comme qui diroit la déesse des chatimens, pour marquer l’espérance qu’il avoit de se voir vengé d’Hélene ; mais dans la suite il abandonna les projets de sa vengeance, & cette belle veuve lui survéquit. (D. J.)

MIGRAINE, s. f. (Médecine.) espece de douleur de tête qu’on a cru n’occuper que la moitié de cette partie. Ce nom est dérivé du mot grec ἡμιϰράνια, composé d’ἡμὶ qui signifie demi ou moitié, & ϰράνιον, crâne ou le dessus de la tête. Les signes qui caractérisent cette maladie, sont d’abord des douleurs vives, aiguës, lancinantes, qui quelquefois sont restreintes à un côté de la tête ; & on a observé que la partie gauche étoit le plus souvent affectée : quelquefois elles occupent tout ce côté, le plus souvent elles sont fixées à la tempe, d’autres fois elles courent, comme on dit, par toute la tête sans distinction de côté ; elles s’étendent aussi jusqu’aux yeux, aux oreilles, aux dents, & même au cou & aux bras. La violence de ces douleurs est telle qu’il semble aux malades qu’on leur fend la tête, qu’on en déchire les enveloppes ; ils ne peuvent quelquefois supporter la lumiere, ni le bruit qu’on fait en marchant sur le même plancher où ils se trouvent ; ils sont tellement sensibles à cette impression, qu’on en a vû s’enfermer seuls dans une chambre pendant plus d’un jour, sans souffrir que personne en approchât. Il est rare que les malades éprouvent sans relâche ces cruelles douleurs ; elles reviennent par especes d’accès qui n’ont pour l’ordinaire aucun type réglé ; ils sont déterminés par quelque erreur dans l’usage des six choses non-naturelles, par un air froid qui saisit inopinément la tête, par un excès dans le manger, par la suppression d’une excrétion naturelle, par une passion d’ame, & ils sont annoncés & accompagnés de constipation, d’un flux abondant d’urines crues & limpides, qui, sur la fin du paroxysme, deviennent chargées & déposent beaucoup de sédiment. L’observation a appris que les femmes, sur tout celles qui menent une vie sédentaire, oisive, & qui mariées sont stériles, étoient plus communément attaquées de cette maladie que les hommes. Les causes qui y disposent, qui la déterminent, sont le plus souvent un vice des premieres voies, quelquefois la suppression du flux menstruel ou hémorrhoidal, des veilles excessives, un travail d’esprit forcé, un refroidissement subit de tout le corps, sur-tout des piés, joint à leur humidité, un changement trop prompt d’une vie active & laborieuse en sédentaire, des coleres fréquentes mais réprimées ; & on en a vû succéder à des gouttes repercutées, à des simples douleurs de tête mal traitées. Chez quelques-uns, la migraine est un vice héréditaire transmis par les parens, sans que le malade y ait donné lieu par la moindre irrégularité de régime.

Le siege de cette douleur est extérieur, vraissemblablement dans le péricrâne, & il y a lieu de présumer qu’elle ne dépend que d’une constriction spasmodique des vaisseaux & des fibres de cette membrane. Les symptomes, les causes, la curation même de cette maladie, sont autant de raisons qui nous engagent à croire qu’elle est purement nerveuse sans la moindre congestion de matiere. Quelques auteurs, & entr’autres Juncker, n’ont pas fait difficulté de compter la migraine parmi les différentes especes de goutte, croyant avec quelque raison que c’est la même cause qui agit dans ces deux maladies. Cet écrivain animiste, souvent trop outré, pensant que