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de voir si l’on trouvera dans son voisinage, des rivieres, des ruisseaux, parce que l’on a besoin d’eau pour les lavoirs, les boccards, pour faire aller les soufflets des fonderies, & même pour faire aller les pompes qui tirent les eaux des souterreins ; cela épargne la main-d’œuvre.

Si l’exploitation des mines est une entreprise ruineuse lorsqu’elle se fait trop légerement, elle est très-avantageuse lorsqu’elle se fait avec connoissance de cause. Personne n’ignore les revenus immenses que les mines produisent à la maison électorale de Saxe, à la maison de Brunswick & à la maison d’Autriche, sans compter un grand nombre d’autres princes d’Allemagne, qui en tirent des profits très considérables. C’est par ces motifs que les souverains d’Allemagne ont donné une attention particuliere à cette branche importante du commerce de leurs états ; ils s’intéressent ordinairement eux-mêmes dans les entreprises des mines, & ils ont établi des colléges ou des conseils uniquement destinés à veiller non-seulement à leurs propres intérêts, mais encore à ceux des compagnies qui font l’exploitation des mines. Ils ont accordé de très-grands privileges pour exciter & encourager ces travaux si pénibles & si coûteux ; ils n’ont point cru faire une grace à leurs sujets en leur permettant de se ruiner, & ils ne leur accordoient pas des concessions pour un tems limité, méthode très-propre à empêcher qu’on ne fasse de grandes entreprises en ce genre, parce que ce n’est souvent qu’au bout d’un grand nombre d’années de travaux inutiles que l’on trouve enfin la récompense de ses peines. Il seroit à souhaiter que la France ouvrant les yeux sur ses véritables intérêts, remediât à ce que ses ordonnances ont de défectueux à cet égard ; elle mettroit par-là ses sujets à portée de travailler à l’exploitation des mines, que l’on trouveroit en abondance si l’on étoit encouragé à les chercher ; cela fourniroit des ressources à des provinces qui n’ont d’ailleurs point de commerce ni de débouché pour leurs denrées, & qui abondent de bois dont elles ne peuvent trouver le transport. Schroeder a regardé le travail des mines comme une chose si avantageuse pour un état, qu’il ne balance point à dire qu’un prince doit les faire exploiter dans son pays même sans profit, parce que par-là il occupe un grand nombre de bras qui demeureroient oisifs, il occasionne une circulation de l’argent parmi ses sujets, il se fait une consommation des denrées, & il s’établit des manufactures & du commerce. Comme depuis quelques années on a envoyé des jeunes gens en Saxe & dans les mines de Hongrie pour s’instruire dans les travaux de la Minéralogie & de la Métallurgie, il paroît que le gouvernement a dessein de s’occuper de cette partie si importante du commerce, & l’on doit se flatter qu’il mettra à profit les lumieres qui ont été acquises par les personnes qu’il a fait voyager dans cette vue.

Quand on veut établir des mines dans un pays où l’on n’en a point encore exploités, il est à propos de faire venir ; à force d’argent, des ouvriers d’un pays où ces travaux sont cultivés ; les habitans apprendront d’eux la maniere dont il faut opérer, & peu-à-peu on se met en état de se passer des étrangers. Il faut aussi que le souverain encourage les travailleurs par des franchises & des privileges qui leur fassent fermer les yeux sur les dangers qui accompagnent la profession de mineur & sur la dureté de ce travail. En effet, le travail des mines étoit un supplice chez les Romains ; la santé des ouvriers est ordinairement très-exposée, sur-tout dans les mines arsenicales, où il regne des exhalaisons empoisonnées. Ceux qui travaillent en Saxe dans les mines de cobalt, ne vivent point long-tems ; ils sont su-

jets à la phthisie & à la pulmonie, cela n’empêche

point les enfans de courir les mêmes dangers que leurs peres, & de passer la plus grande partie de leur vie enterrés tout vivans dans des souterreins où ils sont privés de la lumiere du jour, & continuellement en péril d’être noyés par les eaux, d’être blessés par l’écroulement des rochers, pas la chute des pierres & par une infinité d’autres accidens. En 1687 la fameuse montagne de Kopparberg en Suede écroula tout d’un coup, parce que les grandes excavations qu’on y avoit faites, furent cause que les piliers qu’on avoit laissés ne purent plus soutenir le poids de la montagne : par un grand bonheur ce désastre arriva un jour de fête, & personne ne se trouva dans les souterreins qui renfermoient ordinairement plusieurs milliers d’ouvriers. Comme en Suede on a senti l’importance dont le travail des mines étoit pour ce royaume, on n’a rien omis pour adoucir la rigueur du sort des mineurs ; ceux qui ont eu le malheur d’être blessés, ou d’être mis hors d’état de travailler, sont entretenus aux dépens de l’état, dans un hôpital fondé en 1696, & on leur donne 18 thalers par mois. Voyez Nauclerus, de fodinis cuprimontanis.

La Providence a répandu des mines dans presque toutes les parties de notre globe, il y a peu de pays qui en soient entierement privés ; mais certains métaux abondent plus dans quelques contrées que dans d’autres.

En Europe les mines les plus connues sont celles de Suede, sur-tout pour le cuivre & le fer ; le travail s’y fait avec le plus grand soin, & attire toute l’attention & la protection du gouvernement. La mine d’Adelfors donne de l’or. La Norwege a aussi des mines que le roi de Danemark, actuellement regnant, paroît vouloir faire travailler. La Russie & la Sibérie ont un grand nombre de mines, dont quelques-unes ont été mises en valeur par les soins de Pierre le grand. Suivant le rapport de M. Gmelin, la plupart des mines de Sibérie ont cela de particulier, qu’elles se trouvent à la surface de la terre, au lieu que dans presque tous les autres pays, elles ne se rencontrent qu’à une certaine profondeur sous terre. La Pologne contient sur-tout des mines inépuisables de sel gemme, sans compter celle des plusieurs métaux.

L’Allemagne est depuis plusieurs siecles renommée par ses mines, & par le grand soin avec lequel on les travaille. C’est de ce pays que nous sont venues toutes les connoissances que nous avons sur les travaux des mines & de la Metallurgie. Tout le monde connoit les fameuses mines du Hartz, appartenantes à la maison de Bruntwick. Les mines de Misnie se travaillent avec le plus grand soin. Albinus rapporte dans sa Chronique des mines de Misnie, pag. 30. qu’en 1478 on découvrit à Schneeberg un filon de mine d’argent, si riche, que l’on y détacha un morceau d’argent natif, sur lequel le duc Albert de Saxe dîna dans la mine avec toute sa cour, & dont on tira 400 quintaux d’argent. La Bohême a des mines d’étain & d’autres métaux. La Carniole & la Styrie ont des mines de mercure, de fer, de plomb, &c. La Hongrie & la Transilvanie ont des mines d’or très abondantes.

La Grande-Bretagne étoit fameuse dans l’antiquité la plus reculée par ses riches mines d’étain, situées dans la province de Cornouailles ; elle ne l’est pas moins par ses mines de charbon-de-terre ; on y trouve aussi du plomb, du fer & du cuivre. Malgré ces avantages, les Anglois ne nous ont donné aucun ouvrage digne d’attention sur les travaux de leurs mines.

La France possede aussi un grand nombre de mines ; mais jusqu’à présent elle ne s’est encore occu-