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cosité ; ajoutez à cela que dans l’inflammation le sang abonde dans la partie enflammée, & fournit plus de matiere aux secrétions.

2°. Dans la morve commençante, l’écoulement est de couleur naturelle, transparente comme le blanc d’œuf, parce qu’il n’y a qu’une simple inflammation, sans ulcere.

3°. Dans la morve confirmée, l’écoulement est purulent, parce que l’ulcere est formé, le plus qui en découle se mêle avec la morve.

4°. Dans la morve invétérée, l’écoulement est noirâtre & sanieux, parce que le pus ayant rompu quelques vaisseaux sanguins, le sang s’extravase & se mêle avec le pus.

5°. L’écoulement diminue & cesse même quelquefois, parce que le pus tombe dans quelque grande cavité, comme le sinus zygomatique & maxillaire, d’où il ne peut sortir que lorsque la cavité est pleine.

6°. La morve affecte tantôt les sinus frontaux, tantôt les sinus ehtmoïdaux, tantôt les sinus zygomatiques & maxillaires, tantôt la cloison du nez, tantôt les cornets, tantôt toute l’étendue des fosses nasales, tantôt une portion seulement, tantôt une de ces parties seulement, tantôt deux, tantôt trois, souvent plusieurs, quelquefois toutes à-la-fois, suivant que la membrane pituitaire est enflammée dans un endroit plutôt que dans un autre, ou que l’inflammation a plus ou moins d’étendue. Le plus ordinairement cependant elle n’affecte pas du tout les sinus zygomatiques, maxillaires & frontaux ; parce que dans ces cavités la membrane pituitaire est extremement mince, qu’il n’y a point de vaisseaux sanguins visibles, ni de glandes : on a observé 1° qu’il n’y a jamais de chancres dans ces cavités, parce que les chancres ne se forment que dans les glandes de la membrane pituitaire ; 2°. que les chancres sont plus abondans & plus ordinaires dans l’étendue de la cloison, parce que c’est l’endroit où la membrane est la plus épaisse & la plus parsemée de glandes : les chancres sont aussi fort ordinaires sur les cornets du nez.

L’engorgement de dessous la ganache étoit un symptome embarrassant. On ne-concevoit guere pourquoi ces glandes ne manquoient jamais de s’engorger dans la morve proprement dite ; mais on en a enfin trouvé la cause.

Assuré que ces glandes sont, non des glandes salivaires, puisqu’elles n’ont point de tuyau qui aille porter la salive dans la bouche, mais des glandes lymphatiques, puisqu’elles ont chacune un tuyau considérable qui part de leur substance pour aller se rendre dans un plus gros tuyau lymphatique qui descend le long de la trachée-artere, & va enfin verser la lymphe dans la veine souclaviere ; on a remonté à la circulation de la lymphe, & à la structure des glandes & des veines lymphatiques.

Les veines lymphatiques sont des tuyaux cylindriques qui rapportent la lymphe nourriciere des parties du corps dans le réservoir commun nommé dans l’homme le réservoir de Pecquet, ou dans la veine souclaviere : ces veines sont coupées d’intervalle en intervalle par des glandes qui servent comme d’entrepôt à la lymphe. Chaque glande a deux tuyaux ; l’un qui vient à la glande apporter la lymphe ; l’autre qui en sort pour porter la lymphe plus loin. Les glandes lymphatiques de dessous la ganache ont de même deux tuyaux, ou, ce qui est la même chose, deux veines lymphatiques ; l’une qui apporte la lymphe de la membrane pituitaire dans ces glandes ; l’autre qui reçoit la lymphe de ces glandes pour la porter dans la veine sousclaviere. Par cette théorie, il est facile d’expliquer l’engorgement des glandes de dessous la ganache : c’est le propre de l’inflammation d’épaissir toutes les humeurs qui se filtrent dans les parties voisines de l’inflammation ; la

lymphe de la membrane pituitaire dans la morve, doit donc contracter un caractere d’épaississement ; elle se rend avec cette qualité dans les glandes de dessous la ganache, qui en sont comme les rendez-vous, par plusieurs petits vaisseaux lymphatiques, qui après s’être réunis forment un canal commun qui pénetre dans la substance de la glande. Comme les glandes lymphatiques sont composées de petits vaisseaux repliés sur eux-mêmes, qui sont mille contours, la lymphe déja épaissie doit y circuler difficilement, s’y arrêter enfin, & les engorger.

Il n’est pas difficile d’expliquer par la même théorie, pourquoi dans la gourme, dans la morfondure, & dans la pulmonie, les glandes de dessous la ganache sont quelquefois engorgées, quelquefois ne le sont pas ; ou, ce qui est la même chose, pourquoi le cheval est quelquefois glandé, quelquefois ne l’est pas.

Dans la morfondure, les glandes de dessous la ganache ne sont pas engorgées, lorsque l’écoulement vient d’un simple reflux de l’humeur de la transpiration dans l’intérieur du nez, sans inflammation de la membrane pituitaire ; mais elles sont engorgées lorsque l’inflammation gagne cette membrane.

Dans la gourme bénigne, le cheval n’est pas glandé, parce que la membrane pituitaire n’est pas affectée ; mais dans la gourme maligne, lorsqu’il se forme un abcès dans l’arriere-bouche, le pus en passant par les naseaux, corrode quelquefois la membrane pituitaire par son acreté ou son séjour, l’enflamme, & le cheval devient glandé.

Dans la pulmonie, le cheval n’est pas glandé, lorsque le pus qui vient du poumon est d’un bon caractere, & n’est pas assez acre pour ulcérer la membrane pituitaire ; mais à la longue, en séjournant dans le nez, il acquiert de l’acreté, il irrite les fibres de cette membrane, l’enflamme, & alors les glandes de la ganache s’engorgent.

Dans toutes ces maladies, le cheval n’est glandé que d’un côté, lorsque la membrane pituitaire n’est affectée que d’un côté ; au-lieu qu’il est glandé des deux côtés, lorsque la membrane est affectée des deux côtés : ainsi dans la pulmonie & la gourme maligne, lorsque le cheval est glandé, il l’est ordinairement des deux côtés, parce que l’écoulement venant de l’arriere-bouche ou du poumon, il monte par-dessus le voile du palais, entre dans le nez également des deux côtés, & affecte également la membrane pituitaire. Cependant dans ces deux cas mêmes, il ne seroit pas impossible que le cheval fut glandé d’un côté, & non de l’autre ; soit parce que le pus en séjournant plus d’un côté que de l’autre, affecte plus la membrane pituitaire de ce côté-là, soit parce que la membrane pituitaire est plus disposée à s’enflammer d’un côté que de l’autre, par quelque vice local, comme par quelque coup.

Diagnostic. Rien n’est plus important & rien en même tems plus difficile, que de bien distinguer chaque écoulement qui se fait par les naseaux. Il faut pour cela un grand usage & une longue étude de ces maladies. Pour décider avec sûreté, il faut être familier avec ces écoulemens ; autrement on est exposé à porter des jugemens faux, & à donner à tout moment des décisions qui ne sont pas justes. L’œil & le tact sont d’un grand secours pour prononcer avec justesse sur ces maladies.

La morve proprement dite, étant un écoulement qui se fait par les naseaux, elle est aisément confondue avec les différens écoulemens qui se sont par le même endroit ; aussi il n’y a jamais eu de maladie sur laquelle il y ait tant en d’opinions différentes & tant de disputes, & sur laquelle on ait tant débité de fables : sur la moindre observation chacun a bâti un système, de-là est venu cette foule de charlatans qui