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Voilà les principales moulures de l’architecture antique, qu’ils séparoient par de petits intervalles, lineas, que les François appellent des filets. Parmi ces moulures, les unes sont unies & les autres figurées, ou gravées selon les regles de l’art. On grave sur les tores des oves, ova ; sur les cordons des billettes, ou des grains de laurier en forme de perles enfilées ; sur les gorges & doucines, des feuillages ; sur les bandes plates, des coquilles ; & sur le plinthe, des denticules : le tout suivant les regles de l’art.

Il résulte de ce détail, que les moulures sont en Architecture, ce que les lettres sont à l’écriture. Par le mélange des moulures, on inventera quantité de profils différens pour toutes sortes d’ordres, & de compositions régulieres & irrégulieres. Cependant on peut réduire toutes les especes de moulures à trois ; des moulures quarrées, des moulures rondes, des moulures mixtes, c’est à-dire composées des deux premieres.

Les moulures régulieres, sont ou grandes comme les doucines, les oves, les gorges, les talons, les tores, les scoties ou petites, comme les filets, les astragales, les congés, &c.

Les modernes appellent moulure simple, celle qui n’a d’autre ornement que la grace de son contour ; moulure ornée, celle qui est taillée de sculpture de relief, ou en creux ; moulure couronnée, celle qui est accompagnée & comme couronnée d’un filet ; moulure inclinée, se dit de toute face qui n’etant pas à plomb, panche en arriere par le haut, pour gagner de la saillie.

Quant à la maniere de traiter les moulures, on conçoit bien qu’elle doit être différente selon les endroits où on les emploie. Mais il faut surtout éviter de les faire d’un dessein sec & sans graces. Vignole, Santovin & Padadio, peuvent servir de modele, parce qu’ils se sont attachés à suivre l’antique.

Il faut observer que les moulures s’emploient non seulement dans les entablemens des ordres qui ont des profils, mais encore dans d’autres entablemens où il n’y a point d’ordre, ni de proportion décidée ; il est constant en ce dernier cas, que le jugement de l’architecte a plus de part à la perfection de l’ouvrage, que les préceptes que l’on pourroit donner.

Les moulures se doivent placer géométriquement, étant composées de lignes de différente nature ; mais leur principale proportion, qui dépend de leur saillie & de leur contour, doit être déterminée par le dessein de l’architecte, & suivant les intentions qu’il a de les faire paroître avantageusement, tant dans les dehors où la lumiere est vague, que dans les dedans où elle est répandue par accident : c’est un objet d’une grande étude, & qui ne s’acquiert que par les observations qu’on aura faites sur les ouvrages antiques, sur les modernes, & par les expériences qui auront instruit ceux qui en auront beaucoup tracé.

Ces proportions générales sont ou pour les grandes parties de l’Architecture, ou pour les petites, parce que les sujets les rendent bien différentes ; & alors les moulures sont ou fortes ou délicates, ou en plus grand, ou en moindre nombre ; & elles doivent se contourner de différentes manieres, parce que leur forme contribue beaucoup à donner de la grandeur, ou de la délicatesse aux profils : ce n’est pas assez d’en faire les essais sur le papier, il faut sur l’ouvrage même, juger de l’effet qu’ils doivent faire. C’est pourquoi ceux qui n’ont vu les antiques que dans les livres, prennent difficilement le goût de ces originaux.

Pour les proportions particulieres, elles consistent à faire que dans une même corniche, il y ait de la variété entre les moulures ; en sorte que deux ou trois

moulures quarrées ou rondes ne se rencontrent pas de suite, non plus que plusieurs d’une même hauteur ; mais il faut qu’il regne un contraste dans leur distribution, soit par l’opposition de leurs figures curvilignes & angulaires, soit par leur grandeur différente. Par exemple, ce qui constitue la beauté d’une base, est que ses différentes moulures, dont les unes, comme les filets & la plinthe, & les autres, comme les astragales, les tores & les scoties, soient entremêlées. Leur saillie doit pareillement être proportionnée à leur hauteur, à moins que quelque position extraordinaire n’oblige à s’éloigner des regles genérales ; mais dans les ornemens des moulures, on doit sur-tout éviter la confusion qui est qualifiée de richesse, par ceux-là seuls qui n’ont pas l’intelligence des beautés de l’art. (D. J.)

Machine pour faire des moulures sur toutes sortes de pierres dures & précieuses. Cette machine est composée de deux fortes pieces de bois A A, B B, Planches du Lapidaire, unies ensemble par des tratravêts de même grosseur ; en sorte qu’elles laissent entre elles une espace de trois ou quatre pouces de largeur, dans lequel on fait entrer les queues DD des poupées CC, que l’on affermit sur l’établi par le moyen des clés E E F, voyez Tour, dont cette machine est une espece. Ces deux poupées sont garnies de collets sur lesquels roule l’arbre KM, qui pose l’ouvrage i, & un volant M, dont l’usage est d’entretenir le mouvement imprimé à l’arbre par le moyen de la manivelle L. La poupée F dont la queue G est retenue par une clé E : cette poupée porte le burin N profilé selon le contour que l’on veut donner à l’ouvrage. Ce burin est assujetti contre la poupée par le moyen de deux vis hh, qui lui laissent cependant la liberté de se lever ou de s’abaisser au moyen de la vis o qui le rappelle. Voyez les figures 8 & 9.

On couvre d’émeril broyé à l’huile, ou de poudre de diamant, le burin N, qui use insensiblement l’ouvrage que l’on veut travailler. Ces figures 7, 8, 9, 10, 11, sont les profils des poupées.

Moulure, en terme de Fourbisseur, est un ornement quarré qui entre dans la rivûre du corps pour le joindre avec la plaque.

Moulures, en termes de glaces & de Miroitiers, sont de longues tringles de glaces a biseau, qui ne portent tout au plus qu’un pouce & demi de large. A l’égard de la hauteur, il s’en fait depuis douze jusqu’à cent pouces de haut. Voyez Glace à la fin de l’article.

Moulures, en terme d’Orfévre, ce sont des ornemens composés de creux, de nœuds, de baguettes, & de filets, à l’instar des moulures de corniches, qui décorent les ouvrages. Les grandes moulures sont au dessus, & les basses sont sur la soudure qui assemble les pieces avec le fond, comme dans les tabatieres.

Les moulures se tirent au ban comme les fils & les quarrés, en les pressant fortement entre deux billes où est gravé le modele des moulures qu’on veut faire sur la matiere. Voyez Banc à tirer & Billes

Moulures droites, Moulures contournées ; les Bijoutiers appellent de ce nom des creux & des filets diversement rangés, qu’ils gravent à l’outil sur le corps de leurs bijoux ; elles varient au gré & selon le goût de l’artiste.

MOUNSTER, (Géog.) quelques-uns écrivent Munster, mais mal ; en latin Momonia, province d’Irlande, appellée par les Irlandois originaires, Mown, & vulgairement Wown.

Sa longueur est d’environ 135 milles ; sa largeur de 68, depuis Baltimore jusqu’aux parties septentrionales du Kerry ; & son circuit est d’environ 600 milles, à cause de ses grands tours & détours.